Un homme pacsé décède. Il laisse pour lui succéder sa mère ainsi que son frère et ses sœurs. Lors de la conclusion du pacte civil de solidarité, le défunt et sa partenaire y ont adjoint un document stipulant, en cas de décès de l’un ou de l’autre, le legs de l’ensemble de ses biens au partenaire survivant. La partenaire reproche à la cour d’appel d’écarter sa qualité d’unique héritière au seul motif que l’acte conjointement rédigé et cosigné par le couple est un testament conjonctif prohibé par la loi (C. civ. art. 968). Selon elle, cette interdiction repose certes sur la volonté d’éviter le risque que le testateur ait agi sous influence et de préserver sa faculté de révocation. Mais les juges auraient dû tenir compte du fait que, d’après de nombreux témoignages, la volonté du défunt de léguer ses biens à sa compagne était certaine et avait perduré jusqu’au décès. Pour cette dernière, l’application stricte de l’article 968 du Code civil porterait donc, au regard de ces circonstances, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale (Conv. EDH art. 8) et une atteinte au respect de ses biens, notamment à son espérance légitime de créance (Conv. EDH protocole additionnel n° 1 art. 1).
La Cour de cassation écarte l’argumentation de la partenaire. L’article 968 du Code civil prohibe les testaments conjonctifs et exige le recueil des dernières volontés dans un acte unilatéral, afin de préserver la liberté de tester et d’assurer la possibilité de révoquer des dispositions testamentaires. L’acte litigieux, signé par deux personnes qui se léguaient mutuellement tous leurs biens, ne peut valoir testament et l’exigence d’un acte unilatéral ne porte atteinte ni au droit à la vie privée et familiale ni au droit de propriété, dès lors que le testateur conserve la libre disposition de ses biens. La cour d’appel a ainsi légalement justifié sa décision, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, l’article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention ne garantissant pas le droit d’acquérir des biens par voie de succession ab intestat ou de libéralités.
A noter : le testament est un acte unilatéral qui doit être personnel à son auteur. Le testament conjonctif, qui est rédigé par plusieurs personnes, est donc nul (C. civ. art. 968). Visant à protéger la sincérité et la révocabilité des dispositions prises, la prohibition des testaments conjonctifs peut s’avérer gênante. Elle empêche notamment la pratique des testaments-partages par les époux communs en biens (voir par exemple Cass. 1e civ. 3-2-2010 n° 08-18.196 FS-PB).
Consciente des inconvénients de la règle, la jurisprudence tend à neutraliser les risques d'anéantissement de la volonté testamentaire par une interprétation restrictive de la notion de conjonction. Ainsi, la qualification de testament conjonctif suppose :
- un élément matériel : les testaments doivent avoir été rédigés sur le même document avec une double signature ;
- un élément intellectuel : les dispositions contenues doivent exprimer la volonté commune des testateurs et former un tout indissociable.
Si les deux éléments ne sont pas réunis, il n’y a pas de testament conjonctif. Sont ainsi valables les testaments faits en contemplation l’un de l’autre, même s’ils contiennent les mêmes dispositions, lorsqu’ils sont rédigés sur des documents distincts (CA Pau 30-3-2000 n° 98-1945 : BPAT 6/00 inf. 167). A l’inverse, dans l’affaire commentée, les deux éléments étaient incontestablement réunis.
Florence GALL-KIESMANN
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la famille n° 63956