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Action du créancier du vendeur d'un fonds de commerce contre l'acheteur qui a réglé le prix trop tôt

Si l’acheteur d’un fonds de commerce règle une partie du prix avant l'expiration du délai d’opposition ouvert aux créanciers du vendeur, l'un de ceux-ci, en l'espèce le fisc, peut, après avoir fait opposition pour sa créance, en réclamer le paiement à l'acheteur.

Cass. com. 4-12-2024 n° 23-15.786 F-D, Sté L’opticien Afflelou c/ X


Par Pauline FLEURY
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©Getty Images

Les créanciers du vendeur d'un fonds de commerce disposent d’un délai de 10 jours à compter de la publicité de cette vente (C. com. art. L 141-12) pour faire opposition au paiement du prix (art. L 141-14). L'acheteur qui paie le vendeur sans avoir procédé à la publicité ou avant l’expiration du délai précité n’est pas libéré à l’égard des tiers (art. L 141-17).

Le propriétaire d’un fonds de commerce décide de le vendre pour 500 000 €. L'acheteur lui verse la moitié du prix à titre d’avance lors de la promesse de vente puis 150 000 € au moment de la conclusion de l’acte définitif. Le solde du prix (100 000 €) est séquestré jusqu’au terme du délai d’opposition de l’article L 141-14 précité. Après avoir formé opposition pour la créance qu'elle détenait contre le vendeur à hauteur de 122 370 €, l’administration fiscale poursuit l’acheteur afin qu’il soit condamné à lui payer cette somme, la créance étant demeurée impayée en raison d'un irrégularité de son opposition.

Il est fait droit à sa demande. Les créanciers du vendeur du fonds étant des tiers, au sens de l’article L 141-17, qu’ils aient ou non valablement fait opposition au paiement du prix, le paiement fait au vendeur avant l’expiration du délai d’opposition leur est inopposable. En l’espèce, le vendeur restait débiteur à la date de la publicité de la vente d’un passif fiscal certain et le paiement fait par l’acheteur qui s’était directement libéré entre les mains du vendeur d'une partie du prix de vente avant l’expiration du délai de 10 jours n’était pas opposable à l'administration fiscale. Cette dernière était donc fondée à réclamer à l’acheteur le paiement de sa créance dans la limite des sommes prématurément versées.

A noter :

La Cour de cassation juge depuis longtemps que les créanciers du vendeur d’un fonds de commerce sont des tiers, qu’ils aient ou non fait opposition au paiement du prix (Cass. com. 1-6-1981 n° 79-14.101 P : Bull. civ. IV n° 256, rendu sous l'empire de la loi du 17-3-1909 mais transposable à C. com. art. L 141-17). Dès lors, le paiement fait au vendeur du fonds avant l’expiration du délai d’opposition leur est inopposable (Cass. com. 24-5-2005 n° 01-15.337 FS-PB : RJDA 8-9/05 n° 961), ce qu'elle a rappelé dans un arrêt récent (Cass. com. 8-3-2023 n° 21-18.677 F-B : BRDA 8/23 inf. 9). Les décisions précitées ont toutes été rendues dans un cas où une procédure collective avait été ouverte à l'encontre du vendeur ; la Haute Juridiction avait ainsi retenu que le représentant des créanciers de la procédure pouvait réclamer à l'acheteur les sommes prématurément versées afin de reconstituer leur gage commun. 

L'arrêt commenté reprend les principes précédemment énoncés hors d'un contexte de procédure collective, lorsqu'un des créanciers du vendeur agit directement contre l'acheteur après avoir vainement formé opposition. L'obligation au paiement de l'acheteur s'exerce dans la limite des sommes que l'acheteur a prématurément versées.

En l’espèce, l’opposition de l’administration fiscale était irrégulière, raison pour laquelle le séquestre, après avoir payé un autre créancier opposant, avait versé le reliquat des fonds au cédant et non  au fisc. L’administration fiscale n’aurait donc probablement pas obtenu le paiement de sa créance même si le prix avait été séquestré dans son intégralité. Contrairement à ce que soutenait l’acheteur, cet élément était cependant sans incidence sur la solution, dès lors que la règle de l’article L 141-17 ne repose pas sur la responsabilité de droit commun de sorte que le créancier n’a pas à prouver l’existence d’un lien de causalité entre son préjudice et la faute de l’acheteur qui s’est libéré prématurément du prix.

L’acheteur avait par ailleurs agi en réparation contre le séquestre, auquel il reprochait d’avoir procédé à la répartition précipitée des fonds sans s’être assuré de la levée de l’inscription bénéficiant au fisc. Sous cet angle également sa demande a été rejetée, le séquestre ne pouvant pas tenir compte, dans le cadre de la distribution du prix, des sommes dues à un créancier n’ayant pas régulièrement formé opposition.

Documents et liens associés :

 Cass. com. 4-12-2024 n° 23-15.786 F-D

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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