En cas de vente d’un fonds de commerce, l’acheteur doit publier la vente (C. com. art. L 141-12). A compter de cette publicité, les créanciers du vendeur disposent d’un délai de 10 jours pour faire opposition au paiement du prix de vente entre les mains du vendeur (art. L 141-14). S’il paie son vendeur sans avoir procédé à cette publicité, ou avant l'expiration du délai précité, l’acheteur n'est pas libéré à l'égard des tiers (art. L 141-17).
L’acheteur d’un fonds de commerce procède aux publicités requises mais verse immédiatement une partie du prix de vente au vendeur. Un créancier de ce dernier fait opposition au paiement du prix. Après la mise en liquidation judiciaire du vendeur, un an plus tard, le liquidateur réclame à l'acheteur une fraction du prix prématurément versé, à hauteur du passif du vendeur. La recevabilité de cette demande est contestée : le liquidateur judiciaire ne peut agir qu’au nom de l’ensemble des créanciers ; or il agirait ici dans l'intérêt de l'un d'entre eux seulement (celui ayant fait opposition), se prévalant d’un préjudice propre, distinct de celui des autres créanciers du vendeur, et qui n’était pas inhérent à la liquidation judiciaire prononcée un an après la cession.
La Cour de cassation écarte ce raisonnement : qu'ils aient ou non fait opposition au paiement du prix, les créanciers du vendeur d'un fonds de commerce sont des tiers, au sens de l'article L 141-17 précité et le paiement fait au vendeur du fonds, avant l'expiration du délai d'opposition, leur est inopposable. Seul le liquidateur d'une entreprise soumise à une procédure de liquidation judiciaire a qualité pour agir, au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, en vue de reconstituer leur gage commun. L'action du liquidateur destinée à obtenir de l'acheteur du fonds de commerce les sommes versées par lui au vendeur avant l'expiration du délai d'opposition tendait à la reconstitution du gage commun des créanciers de la procédure collective et relevait dès lors des actions qu'il avait seul qualité pour exercer dans l'intérêt collectif de ces créanciers.
A noter :
Sévère et dissuasif pour l’acheteur d’un fonds de commerce, cet arrêt fait application de principes classiques.
La Cour de cassation rappelle que les créanciers du vendeur sont des tiers, qu’ils aient ou non fait opposition au paiement du prix (Cass. com. 1-6-1981 n° 79-14.101 : Bull. civ. IV n° 256, rendu en application de l’art. 3 de la loi du 17-3-1909 mais transposable à C. com. art. L 141-17 ; Cass. com. 24-5-2005 n° 01-15.337 FS-PB : RJDA 8-9/05 n° 961).
Par ailleurs, seul le liquidateur judiciaire (ou, en cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le mandataire judiciaire) a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers (art. L 641-4, al. 4 et, sur renvoi, art. L 622-20, al. 1). Un créancier ne peut pas agir individuellement pour la reconstitution du gage commun des créanciers, qui relève du monopole du mandataire ou du liquidateur (Cass. com. 9-6-2022 n° 20-23.509 F-D : RJDA 10/22 n° 576). Pour agir en son nom personnel, un créancier doit justifier d’un préjudice spécial, distinct de celui subi par les autres créanciers (Cass. 1e civ. 3-2-2016 n° 14-25.695 F-PB : RJDA 5/16 n° 382 ; Cass. com. 6-3-2019 n° 17-20.545 F-PB : RJDA 5/19 n° 359). Dans une situation similaire à celle de l’arrêt commenté, la Cour de cassation a jugé que le liquidateur judiciaire de la société cédante, agissant au nom de l'ensemble des créanciers de celle-ci, était en droit de réclamer à l'acheteur du fonds les sommes prématurément versées (Cass. com. 24-5-2005 précité).
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