Si, à l'expiration du bail dérogatoire, le locataire reste et est laissé en possession des locaux, il s'opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux (C. com. art. L 145-5).
Un groupement forestier consent à une société un « bail commercial » de courte durée, faisant suite à un précédent bail de même nature. A l'échéance de ce bail, la locataire reste dans les lieux et le bailleur continue pendant une dizaine d'années à émettre des quittances de loyer avant de lui facturer des indemnités d'occupation. La locataire agit en constatation de l'existence d'un bail soumis au statut des baux commerciaux. Le bailleur lui oppose la prescription de son action, formée plus de cinq ans après la signature du premier bail.
La Cour de cassation écarte la prescription : la demande tendant à faire constater l'existence d'un bail commercial statutaire, né du maintien en possession du locataire à l'issue d'un bail dérogatoire, n'est pas soumise à prescription.
A noter :
On sait qu'en principe toutes les actions exercées en vertu des dispositions du chapitre du Code de commerce régissant le statut des baux commerciaux (C. com. art. L 145-1 s.) se prescrivent par 2 ans (C. com. art. L 145-60). La Cour de cassation applique ce délai biennal de prescription à l'action en requalification en bail commercial d'un contrat initialement non soumis au statut (par exemple, un bail civil, une location-gérance ou un bail dérogatoire irrégulier : Cass. 3e civ. 22-1-2013 n° 11-22.984 F-PB : RJDA 12/13 n° 990 ; Cass. 3e civ. 25-1-2023 n° 21-24.394 F-D : BRDA 5/23 inf. 16).
La solution est-elle la même pour l'action tendant à voir constater la transformation d'un bail dérogatoire en bail statutaire lorsque le locataire a été laissé en possession à l'issue du bail de courte durée?
La Cour de cassation avait déjà jugé que le délai biennal n'était pas applicable à une telle demande, résultant du seul effet de l'article L 145-5 du Code de commerce (Cass. 3e civ. 1-10-2014 n° 13-16.806 FS-PBI : RJDA 3/2015 n° 162).
Mais cet arrêt avait suscité des difficultés d'interprétation : consacrait-il le caractère imprescriptible de l'action fondée sur l'article L 145-5 ou la soumettait-il à la prescription quinquennale de droit commun ?
La Haute Juridiction se prononce aujourd'hui très clairement en faveur de la première interprétation.
La solution, dont la portée est très importante, est cohérente avec le régime juridique du nouveau bail, qui opère de plein droit, la constatation d'un état de fait (le maintien du locataire en possession) entraînant une conséquence de droit prévue par la loi elle-même. Du reste, il aurait été curieux de contraindre le locataire, maintenu en possession à l'expiration du bail dérogatoire, à agir de manière préventive dans les deux ans afin de ne pas perdre le droit de revendiquer le bénéfice du statut (en ce sens, J. Raynard, note sous Cass. 3e civ. 1-6-1994 n° 92-12.186 : JCP E 1995 II n° 740).
Il n'en reste pas moins qu'il faut faire attention à bien distinguer les deux actions qui coexistent, lorsqu'un locataire titulaire ou ancien titulaire d'un bail dérogatoire veut revendiquer le bénéficie du statut des baux commerciaux : l’action en constatation de la transformation d’un bail dérogatoire en bail statutaire par l'effet du maintien dans les lieux, imprescriptible, et l’action en requalification en bail statutaire d’un bail dérogatoire (par exemple, lorsque celui-ci ne remplit pas les conditions légales de validité), qui reste soumise à la prescription biennale.
Retrouvez toute l'actualité en matière de droit des sociétés, droit commercial et de la concurrence dans Navis Droit des Affaires !
Vous êtes abonné ? Accédez à votre Navis Droit des affaires à distance
Pas encore abonné ? Nous vous offrons un accès au fonds documentaire Navis Droit des Affaires pendant 10 jours.