Un bailleur de locaux à usage de station-service notifie à son locataire un congé avec refus de renouvellement du bail. Le locataire poursuit alors le bailleur en paiement d'une indemnité d'éviction. Une cour d’appel fixe le montant principal de cette indemnité et condamne en outre le bailleur à payer au locataire les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollution et éventuellement de retrait des réservoirs de carburant au titre des indemnités accessoires. Elle considère en effet que ces frais sont directement liés à l'éviction avec arrêt d'exploitation.
La Cour de cassation censure cette décision. Le locataire dont le renouvellement est refusé est tenu de prendre toutes les dispositions utiles pour la mise en sécurité du site et de neutraliser les réservoirs de carburant et leurs équipements annexes en sa qualité de dernier exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement (C. envir. art. L 512-12-1 ; arrêtés du 22-6-1998 art. 18 et du 15-4-2010 art. 2.10, annexe I). L’obligation particulière de dépollution des installations classées doit être exécutée par ce dernier exploitant, qui en est seul tenu, indépendamment de tout rapport de droit privé.
A noter :
Lorsqu’une installation classée soumise à déclaration administrative est mise à l’arrêt définitif, son exploitant doit placer le site dans un état tel qu’il ne puisse pas porter atteinte aux intérêts généraux que la loi sur les installations classées a pour mission de préserver, notamment la santé, la sécurité, l’environnement (C. envir. art. L 511-1 et L 512-12-1).
Par ailleurs, sauf exceptions, le bailleur qui refuse le renouvellement du bail commercial doit payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction, égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement (C. com. art. L 145-14). Outre l’indemnité principale liée à la valeur du fonds de commerce, l’indemnité d’éviction peut comprendre des frais accessoires, notamment de déménagement et de réinstallation. Encore faut-il que ces frais soient directement liés à l’éviction. Tel n’est pas le cas des frais liés à l’obligation légale de sécurisation du site d’une installation classée, qui s’applique au dernier exploitant, que l’arrêt de l’exploitation résulte de sa volonté ou d’une éviction par son bailleur. Il a été jugé à plusieurs reprises que l'obligation de remise en état d'une installation classée est à la charge du locataire, dernier exploitant (Cass. 3e civ. 10-4-2002 n° 706 FS-PB : RJDA 7/02 n° 734 : Cass. 3e civ. 11-9-2013 n° 12-15.425 FS-D : RJDA 12/2013 n° 980) et même si le site était déjà pollué lors de la prise de possession des lieux (Cass. 3e civ. 2-4-2008 n° 07-12.155 FS-PBI : RJDA 7/08 n° 762).
En l’espèce, la Cour de cassation s’est prononcée alors que le bail ne contenait pas de clause sur la prise en charge des frais de dépollution du site. Certes, le dernier exploitant est seul tenu des travaux de dépollution du site à l’égard de l’administration, mais le bail peut-il prévoir que le bailleur en supportera le coût ? Des cours d’appel l’ont admis (CA Paris 9-6-2004 n° 02/21819 : RJDA 12/2004 n° 1300 ; CA Basse-Terre 23-7-2012 n° 11/0117), retenant qu’une telle clause ne contredit pas la législation sur les installations classées.
Par ailleurs, depuis la loi Alur, tout tiers intéressé peut en outre demander au représentant de l'Etat dans le département de se substituer à l'exploitant, avec son accord, pour réaliser les travaux de remise en état du site (C. envir. art. L 512-21, I et R 512-76).
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Voir MBC 2021 n° 46050, 47315, 61405, 61425