Des propriétaires de lots situés dans des résidences tourisme les louent aux exploitants de ces résidences. Ces derniers invoquent la cessation ou le ralentissement de leur activité pendant la crise sanitaire pour suspendre le paiement des loyers. Les propriétaires agissent en référé en vue d'obtenir le paiement d'une provision correspondant au montant des loyers impayés.
Par deux décisions rendues le même jour, la Cour de cassation accueille leur demande.
1° Dans l'un des arrêts (n° 21-21.867), elle écarte les arguments des locataires tirés de l'application des dispositions du Code civil aux motifs suivants : l'effet de la mesure d'interdiction de recevoir du public, générale et temporaire et sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, d'une part, n'est pas imputable aux bailleurs, de sorte qu'il ne peut pas leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d'autre part, n'est pas assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du Code civil. En l'espèce, seuls les exploitants s'étaient vus interdire de recevoir leurs clients pour des raisons étrangères aux locaux loués, qui n'avaient subi aucun changement. Les mesures d'interdiction, qui n'étaient ni du fait ni de la faute du bailleur, ne constituaient donc pas une circonstance affectant le bien, emportant perte de la chose louée.
2° La Haute Juridiction écarte ensuite l'argument des locataires se prévalant de clauses des baux prévoyant que le paiement des loyers serait suspendu :
dans le cas où la « non-sous-location du bien » résulterait « soit du fait ou d'une faute du bailleur, soit de l'apparition de désordres de nature décennale, soit de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves (telles qu'un incendie de l'immeuble, etc.), affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale », dans l'une des deux affaires (n° 22-12.753) ;
en cas d'indisponibilité du bien loué en raison notamment de circonstances exceptionnelles ne permettant pas une occupation effective et normale du bien, dans l'autre affaire (n° 21-21.867) ; le loyer serait dans ce cas couvert soit par la garantie perte de loyers souscrite par le syndic de l'immeuble, soit par la garantie perte d'exploitation du locataire.
Ces clauses, juge la Cour de cassation, ne peuvent recevoir application que dans les cas où le bien était indisponible par le fait ou la faute du bailleur ou en raison d'un désordre ou d'une circonstance exceptionnelle affectant le bien loué ; la condition liée à la prise en charge des loyers par l'assureur, clairement exigée dans l'un des contrats (n° 21-21.867), n'était par ailleurs pas remplie.
Par suite, l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable.
A noter :
La Cour de cassation reprend ici, en s'y référant expressément, la solution déjà retenue en ce qui concerne les arguments tirés de la perte du local loué ou du manquement du bailleur à son obligation de délivrance justifiant que le locataire invoque l'exception d'inexécution (Cass. 3e civ. 30-6-2022 n° 21-20.190 FS-B, n° 21-20.127 FS-B, n° 21-19.889 FS-D : BRDA 14/22 inf. 25 ; Ph. Riglet, Regard critique dur les trois arrêts « loyers Covid » de la Cour de cassation : RJDA 11/22 p. 851). Rappelons que ces arrêts avaient également écarté la force majeure. Il ne reste donc guère que la question de l'imprévision qui n'ait pas encore été tranchée par la Cour de cassation.
En jugeant par ailleurs que les clauses de suspension des loyers pouvaient être jugées inapplicables par le juge des référés, ce qui impliquait que leur rédaction était suffisamment univoque pour exclure toute interprétation dans un sens plus favorable au locataire, elle ferme par ailleurs la porte aux éventuels contentieux qui auraient pu fleurir autour de cette question.