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Une action du bailleur n’interrompt pas le délai pour demander l’indemnité d’éviction

L’action du bailleur en validation du congé signifié au locataire avec refus de renouvellement n’interrompt pas le délai de prescription de l’action du locataire en paiement de l’indemnité d’éviction, lequel court à compter du jour où le bailleur lui signifie son refus.

Cass. 3e civ. 3-11-2021 n° 20-20.219 F-D, Sté Lustral Car c/sté Carrefour property France


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©iStock

Les actions en justice relatives au statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans (C. com. art. L 145-60).

Après avoir délivré à son locataire un congé avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction (C. com. art. L 145-17), un bailleur agit en justice huit mois après pour faire valider ce congé. Dans le cadre de cette action, le locataire conclut au rejet des prétentions du bailleur plus de vingt mois plus tard, sollicitant le paiement d’une indemnité d’éviction et la nomination d'un expert pour en fixer le montant. L'affaire est portée quatre ans après devant une cour d’appel, qui juge que le bailleur ne justifiait pas d’un motif grave et légitime pour refuser au locataire le paiement de l’indemnité d’éviction.

Le bailleur engage alors une nouvelle action contre le locataire, en déchéance de son droit à indemnité d’éviction en raison de la prescription biennale. Le locataire sollicite reconventionnellement le paiement de cette indemnité, soutenant, d’une part, que le délai de prescription n’avait pas pu courir avant la décision de la cour d'appel, moment où avait été définitivement consacré, dans son principe, son droit au bénéfice de l’indemnité d’éviction, et, d’autre part, que le délai de prescription avait été interrompu par l’action du bailleur en validation du refus de renouvellement.

L'argumentation du locataire est rejetée par la Cour de cassation. En application de l’article L 145-10 du Code de commerce, le point de départ du délai de la prescription biennale de l’action en paiement de l’indemnité d’éviction du locataire est la date de signification par le bailleur de son refus de renouvellement sans offre de paiement d’une indemnité d’éviction.

La demande du locataire était donc prescrite dès lors qu’il avait contesté le refus de renouvellement et formulé une demande d’expertise en évaluation de l’indemnité d’éviction plus de deux ans après la signification du refus de renouvellement. En outre, la décision de la cour d’appel intervenue quatre ans plus tard n’avait pas pu avoir pour effet de faire naître au profit du locataire un nouveau délai de prescription de la demande de paiement de l’indemnité d’éviction.

A noter :

L'acte extrajudiciaire notifiant le refus de renouvellement doit, à peine de nullité, indiquer que le locataire qui entend soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement (C. com. art. L 145-10, al. 5).

Le point de départ du délai de prescription est le jour où le refus de renouvellement est notifié, peu important que cette date soit antérieure au terme du bail (Cass. 3e civ. 3-11-2021 n° 20-18.351 F-D).

L’interruption de ce délai peut résulter d'une demande en justice (C. civ. art. 2241) et elle poursuit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance (C. civ. art. 2242). Encore faut-il que la demande soit à l’initiative du locataire. En effet, le locataire qui a contesté le congé dans le délai de deux ans peut ultérieurement solliciter le paiement de l’indemnité d’éviction sans se voir opposer la prescription biennale (Cass. 3e civ. 7-2-2019 n° 17-31.807 F-D : RJDA 6/19 n° 416). 

Pour le défendeur à une action, seule constitue une demande en justice interrompant la prescription celle par laquelle il prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire (Cass. 2e civ. 1-2-2018 n° 17-14.664 P). En l’espèce, la demande du locataire en fixation d’une indemnité d’éviction, formulée reconventionnellement dans ses conclusions lors de la demande de validation de son congé par le bailleur, aurait pu interrompre la prescription si elle était intervenue avant l’expiration de ce délai, autrement dit, si les conclusions avaient été notifiées moins de deux ans après la signification du congé.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne