Au décès de son époux, une veuve continue d’occuper un bien qu’ils avaient acquis ensemble. Le fait de se maintenir ainsi dans les lieux équivaut-il à une demande tacite de bénéficier du droit viager au logement (C. civ. art. 764) ?
Affirmatif pour la cour d’appel. Sauf cas de renonciation expresse, le maintien dans les lieux un an après le décès suffit à bénéficier du droit viager au logement. L’épouse survivante jouit paisiblement du logement familial de façon ininterrompue depuis le décès de son mari. Son maintien dans les lieux doit s’analyser en une demande tacite de bénéficier du droit viager au logement, quand bien même une demande expresse tardive en ce sens aurait été formulée.
La Cour de cassation censure ce raisonnement et répond par la négative. Le conjoint survivant dispose d’un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de son droit viager au logement (C. civ. art. 765-1). Si cette manifestation de volonté peut être tacite, elle ne peut résulter du seul maintien dans les lieux.
A noter :
Confirmation de jurisprudence. La manifestation de la volonté du conjoint dans l’année du décès de bénéficier de son droit viager au logement peut être tacite (Cass. 1e civ. 11-5-2016 n° 15-16.116 F-D ; Cass. 1e civ. 13-2-2019 n° 18-10.171 FS-PB : SNH 8/19 inf. 4). En effet, aucun formalisme impératif n’est imposé par la loi. Pour autant, le maintien dans les lieux l’année du décès ne saurait être à lui seul un élément de preuve décisif de la volonté du conjoint survivant d’en profiter. Cette occupation est équivoque, pouvant être comprise comme l’exercice du droit temporaire au logement (M. Grimaldi, La manifestation de volonté du conjoint survivant qui entend bénéficier du droit viager au logement peut être tacite : RTD civ. 2020 p. 167, obs. sous Cass. 1e civ. 13-2-2019 précité). Lors de ce précédent jurisprudentiel, « trois éléments de fait formaient un faisceau d’indices qui, pour la Cour de cassation, caractérisaient une volonté tacite exprimée dans l’année du décès » (M. Grimaldi, précité). Outre le maintien dans les lieux, l’assignation en compte, liquidation et partage que le conjoint survivant avait délivrée dans le délai requis mentionnait son souhait de conserver son logement. Par ailleurs, dans un projet d’acte de notoriété dressé plus d’un an après le décès, il avait confirmé ce souhait. Pour autant, la question de savoir si la manifestation tacite pouvait résulter du seul maintien dans les lieux restait ouverte pour certains commentateurs au lendemain des arrêts des 11 mai 2016 et 13 février 2019 (voir, notamment, M. Cottet, Droit viager au logement : l’option du conjoint survivant peut être tacite : Dalloz Actualité 6-3-2019 ; D. Epailly, L’option du conjoint pour le droit viager au logement peut être tacite : JCP N 2019 act 280 ; M. Nicod, Les choix du conjoint survivant : quelle place pour la volonté tacite ? : Dr. famille 2019 repère 5). Il n’est désormais plus de doute permis. Dans cette affaire, l’absence d’autres éléments de preuve condamne la veuve à ne pas pouvoir bénéficier du droit viager au logement. Elle aurait été bien conseillée de se manifester par écrit dans l’année du décès.
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