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L’actualité de la clause d’indexation dans les baux commerciaux par Me Legrix de la Salle.

Ces derniers temps, les clauses permettant l’indexation du loyer des baux commerciaux ont souvent été à la une de l’actualité législative et jurisprudentielle. Maître Legrix de la Salle dresse le panorama des nouveautés et souligne les conséquences pratiques à en tirer.


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1. Depuis longtemps, il est d’usage de prévoir dans les baux commerciaux, en plus de la révision triennale du loyer (C. com. art. L 145-38), son indexation automatique et généralement annuelle, en se référant à un indice choisi par les parties.

Ces dernières années, l’actualité tant législative que jurisprudentielle de la clause d’indexation a été abondante.

Dans le domaine de la loi

Création d’indices alternatifs à l’indice du coût de la construction

2. Par deux lois successives, la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 (dite « LME ») et la loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, le législateur a créé deux nouveaux indices d’indexation alternatifs à l’indice du coût de la construction (ICC) dont les variations étaient jugées trop importantes : l’indice des loyers commerciaux (ILC) pour les activités commerciales et artisanales et l’indice des loyers des activités tertiaires (Ilat) pour les activités de bureaux, industrielles, plates-formes logistiques et les professions libérales.

Si l’entrée en vigueur de ces indices a été chaotique et si le champ d’application de l’Ilat a donné lieu à discussion, les bailleurs et les locataires ont aujourd’hui majoritairement recours à l’un de ces deux nouveaux indices.

Incidence indirecte de la loi Pinel

3. Cette tendance va encore s’accélérer après la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises du 18 juin 2014, dite loi Pinel.

En effet, le législateur a supprimé le recours à l’ICC au profit de l’ILC et de l’Ilat pour la révision triennale du loyer et le plafonnement du loyer de renouvellement.

Dans les nouveaux baux, il est donc désormais préférable de préciser lequel de ces deux indices s’appliquera pour la révision et le plafonnement du loyer de renouvellement. Et ce, même si les parties peuvent toujours se référer à l’ICC dans les clauses d’indexation, le législateur ne l’ayant pas supprimé dans l’article L112-2 du Code monétaire et financier.

Reste qu’en raison de la complexité qu’engendrerait le calcul sur deux indices différents de l’indexation et de la révision du loyer il est vraisemblable que la loi Pinel va conduire à la disparition du recours à l’ICC dans les baux commerciaux.

Sur le terrain de la jurisprudence

Clause d’indexation et révision du loyer

4. La Cour de cassation a décidé que, dans le cadre de la révision du loyer (C. com. art. L 145-38), même en l’absence de motif de déplafonnement, ce dernier doit être fixé à la valeur locative si celle-ci se situe entre le loyer en cours et le plafond résultant de la variation de l’indice de référence (Cass. 3e civ. 6-2-2008 n° 06-21.983 : RJDA 5/08 n° 494).

En l’absence de clause d’indexation, la notion de « loyer en cours » correspond au dernier loyer fixé amiablement ou judiciairement.

En présence d’un loyer indexé, le « loyer en cours » est-il le dernier loyer amiable ou judiciaire (hypothèse 1) ou le dernier loyer indexé (hypothèse 2) ?
Dans la première hypothèse, cela conduisait, même en l’absence de motif de déplafonnement, à fixer le loyer révisé à la valeur locative pour peu qu’elle se situe entre le loyer en cours et le plafond.
En revanche, dans la seconde hypothèse, si les indices d’indexation et de révision sont identiques, cela pouvait aboutir à un alignement du loyer en cours et du plafond, empêchant ainsi, en l’absence de motif de déplafonnement, la fixation du loyer révisé à la valeur locative.

5. Dans un arrêt de 2015, la Cour de cassation a opté pour la seconde hypothèse (Cass. 3e civ. 20-5-2015 n° 13-27.367 : RJDA 10/15 n° 635).
Ainsi, en présence d’une clause d’indexation, les possibilités de révision du loyer, en l’absence de motif de déplafonnement, se trouvent considérablement réduites.

Consécration de la validité des clauses d’indexation avec un indice de base fixe

6. En pratique, de nombreuses clauses d’indexation se référaient à un indice de base immuable, seul l’indice d’indexation changeant en fonction de l’année concernée :

  • - Année 1 : Indice de base 3e trimestre 2010 et indice d’indexation 3e trimestre 2011

  • - Année 2 : Indice de base 3e trimestre 2010 et indice d’indexation 3e trimestre 2012

  • - Année 3 : Indice de base 3e trimestre 2010 et indice d’indexation 3e trimestre 2013

  • - Année 4 : Indice de base 3e trimestre 2010 et indice d’indexation 3e trimestre 2014

  • - etc.

En 2010, le tribunal de grande instance de Paris a, dans un premier temps (TGI Paris 5-1-2010 n° 08/13645 et TGI Paris 27-5-2010 n° 09/09345 : BRDA 21/12 inf. 25), réputé non écrites de telles clauses qui avaient pour effet d’apprécier la variation de l’indice sur un an la première année, sur deux ans la seconde et ainsi de suite. Et ce, en violation de l’article L 112-1, al. 2 du Code monétaire et financier qui prévoit qu’ « est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision ».

7. Ces décisions ont été fortement critiquées par la doctrine lorsque le résultat arithmétique de l’indexation était identique selon que l’on prenne ou pas un indice de base fixe.

Depuis, les juges sont revenus à une interprétation plus raisonnable de l’article : le même tribunal (TGI Paris 13-1-2011 n° 09/11087 : BRDA 21/12 inf. 25 ; TGI Paris 8-11-2011 n° 09/03794 ; TGI Paris 1-12-2011 n° 10/09206 : Gaz. Pal. 2012 p. 435 note J.-D. Barbier), la cour d’appel de Paris (CA Paris 4-4-2012 n° 10/23391 et n° 10/13623 : BRDA 21/12 inf. 25 ; CA Paris 11-4-2012 n° 2009/24676 : JCP E 2012 n° 1503 obs. S. Legrix de la Salle ; CA 10-6-2015 n° 13/13418) puis la Cour de cassation (Cass. 3e civ. 16-10-2013 n° 12-16.335 : RJDA 1/14 n° 12 ; Cass. 3e civ. 11-12-2013 n° 12-22.616 : RJDA 3/14 n° 204 ; Cass. 3e civ. 3-12-2014 n° 13-25.034 : RJDA 1/15 n° 15 ; Cass. 3e civ. 27-1-2015 n° 13-25.576 : D. 2015 pan. p. 1619 obs. Dumont-Lefrand) ont considéré qu’une clause comportant un indice de base fixe était valable dès lors que son application n’avait pas pour effet de faire subir au loyer une variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision.

8. Néanmoins, nous recommandons toujours d’éviter d’avoir recours à un indice de base fixe et de préférer une rédaction similaire à la suivante :
« Les parties conviennent expressément que le loyer sera indexé de plein droit et sans formalité ni notification préalable, chaque année, à la date anniversaire de la prise d’effet du bail, sur la base de l'indice [ILC ou Ilat] publié trimestriellement par l'Insee. Pour la première indexation, l'indice de base sera celui du dernier indice publié à la date de prise d’effet du bail et l'indice de comparaison celui du même trimestre de l'année suivante. Pour les indexations suivantes, l’indice de base sera le précédent indice de comparaison et l’indice de comparaison, le dernier indice publié au jour de l’indexation concernée. »

Validité des clauses d’indexation ne jouant qu’à la hausse

9. Face à la baisse des indices ces dernières années, les bailleurs ont eu la tentation de stipuler dans les baux des clauses d’indexation ne jouant qu’à la hausse.
La doctrine s’est depuis longtemps interrogée sur la validité de telles clauses tant sur le fondement du statut des baux commerciaux (C. com. art. L 145-39 : réciprocité de la variation) que sur celui du Code monétaire et financier (art. L112-1 : distorsion entre la période d’indexation et les indices d’indexation).
Ces derniers mois, les juges se sont prononcés sur le sujet à plusieurs reprises, sans que toutefois une solution claire se dégage.

Si certaines juridictions ont retenu la validité de telles clauses (CA Douai 21-1-2010 n° 08/08568 : RJDA 10/10 n° 919 ; CA Colmar 4-7-2012 n° 11/02844 : Loyers et copr. 2013 comm. n° 52 note Ph.-H. Brault ; CA Aix-en-Provence 15-3-2013 n° 2013/150), d’autres au contraire ont considéré, principalement sur le fondement de l’article L 112-1 du Code monétaire et financier, qu’elles devaient être réputées non écrites (CA Paris 12-6-2013 n° 11/12178 ; CA Paris 2-7-2014 n° 12/14759 ; CA Versailles 10-3-2015 n° 13/08116 : RJDA 10/15 n° 636 ; TGI Grasse 5-4-2011 n° 09/01658 ; TGI Paris 13-2-2014 : Loyers et copr. 2014 comm. n° 149 ).

La réponse était d’autant plus incertaine qu’au sein d’une même juridiction des décisions contradictoires ont pu être rendues à quelques jours d’intervalle (CA Paris 3-4-2013 n° 11/14299 ; CA Paris 12-6-2013 n° 11/12178).

La Cour de cassation vient de trancher la question en affirmant que la clause d'indexation d'un bail qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu'à la hausse est nulle (Cass. 3e civ. 14-1-2016 n° 14-24.681 : BRDA 2/16 inf. 16 ; La Quotidienne du 25 janvier 2016).

Précisons qu'elle confirme la cour d'appel qui avait réputé non écrite la clause d'indexation sur le fondement de l'article L 112-1 du Code monétaire et financier.

10. En conclusion, nous invitons les parties à un bail commercial à être extrêmement pointilleuses dans la rédaction des clauses d’indexation. Ceci d’autant plus que, depuis la loi Pinel, les clauses contraires à l’article L 145-39 du Code de commerce, comme cela était déjà le cas pour celles contraires à l’article L 112-1 du Code monétaire et financier, sont réputées non écrites et donc contestables à tout moment sans prescription possible.

Par Sébastien Legrix de la Salle, avocat au sein du Cabinet DS Avocats.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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