1. Créé par l’article 19 de la loi 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 et codifié à l’article L 10-0 AB du LPF, le droit d’audition autorise, depuis le 1er janvier 2017, les agents de la DGFiP à entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations utiles en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale internationale commise par un tiers (FR 1/17 [58] p. 90). Consignées sur un procès-verbal rédigé à l’issue de l’audition, ces informations pourront ensuite être opposées au contribuable soupçonné de fraude ou servir de fondement à d’autres investigations. Dans une mise à jour de sa base Bofip du 7 février 2018, l’administration décrit les règles qui encadrent la mise en oeuvre de cette nouvelle procédure de recherche.
Un objet strictement défini
2. Le droit d’audition peut être mis en oeuvre par les agents de catégorie A et B de la DGFiP. Il ne fait l’objet d’aucune autorisation judiciaire préalable et se trouve, de fait, dépourvu de caractère contraignant (BOI-CF-COM-20-50 nos 50 et 60).
A noter : le refus d’être auditionné n’entraîne donc aucune sanction fiscale ou pénale.
3. Pour autant, il ne peut être utilisé que pour rechercher des manquements aux dispositions suivantes, à l’exclusion de toute autre finalité (BOI précité n° 10) :
– critères de domiciliation en France des personnes physiques (CGI art. 4 B) ;
– non-déductibilité des sommes versées à des agents publics étrangers (CGI art. 39, 2 bis) ;
– transfert de bénéfices à l’étranger (CGI art. 57) ;
– imposition en France des personnes physiques à raison de leurs participations dans des entités étrangères situées dans des paradis fiscaux (CGI art. 123 bis) ;
– imposition en France des sommes payées à l’étranger pour des prestations réalisées en France (CGI art. 155 A) ;
– règles de territorialité de l’IS (CGI art. 209) ;
– imposition en France des bénéfices localisés dans des paradis fiscaux (CGI art. 209 B) ;
– imposition de sommes versées à des sociétés étrangères établies dans des Etats à fiscalité privilégiée (CGI art. 238 A).
Un champ d’application très large excluant le contribuable soupçonné
4. Conformément aux dispositions de l’article L 10-0 AB du LPF, le droit d’audition peut être exercé auprès de toute personne susceptible de détenir des éléments sur l’existence d’un dispositif frauduleux. L’administration indique que ces personnes peuvent s’entendre, notamment, des clients du contribuable soupçonné de fraude, de ses fournisseurs, de son comptable (s’il n’est pas mandaté), de ses salariés ou anciens salariés, de ses prestataires de service, etc. (BOI précité n° 20).
A notre avis : compte tenu des termes très généraux qui le définissent et du fait que la notion de « personnes susceptibles de fournir des informations utiles » retenue par l’article L 10-0 AB du LPF soit laissée à la seule appréciation de l’administration, le champ d’application du droit d’audition n’apparaît limité que par le secret professionnel auquel peuvent être soumises les personnes pouvant être auditionnées et par le caractère non contraignant de ce droit.
5. Toutefois, l’article L 10-0 AB du LPF exclut expressément du droit d’audition le contribuable faisant l’objet des recherches. Selon l’administration, cette mesure vise à prévenir toute perturbation du débat oral et contradictoire dans l’hypothèse où ce contribuable ou la société qu’il dirige seraient en cours de contrôle et, de manière plus générale, à garantir que l’audition ne puisse en aucun cas être assimilée à un début de vérification de comptabilité ou d’ESFP (BOI précité n° 20).
6. L’administration étend en outre cette exclusion aux dirigeants d’une personne morale soupçonnée de fraude ainsi qu’au conjoint de l’exploitant d’une entreprise individuelle visé par une enquête ou un contrôle (BOI précité nos 30 et 40).
A notre avis : si l’exclusion des dirigeants de personnes morales du champ d’application du droit d’audition se justifie au regard de la lettre de l’article L 10-0ABdu LPF, l’audition d’une personne morale impliquant nécessairement que ses représentants légaux soient entendus, l’administration fonde l’exclusion du conjoint de l’exploitant individuel soupçonné de fraude sur la circonstance que des rectifications opérées en matière de revenus professionnels (BIC, BNC) peuvent avoir des répercussions sur l’impôt dû par leur foyer fiscal. Or, pour les mêmes motifs, cette exclusion devrait logiquement être étendue à tous les conjoints ou partenaires de Pacs imposés en commun avec des contribuables soupçonnés de manquement aux règles de fiscalité internationale (voir n° 3).
Une audition précédée d’une demande et suivie d’un procès-verbal
7. Une demande préalable doit être remise au contribuable soit par voie postale, soit en main propre au moins huit jours avant son audition. S’agissant d’un délai franc ni la date de réception ni la date de l’audition ne sont retenues pour son décompte. Ne pouvant être écourté, ce délai minimum exclut que l’audition puisse avoir lieu dès la remise en main propre de la demande (BOI précité n° 70).
8. La demande doit mentionner la date, les locaux administratifs et l’heure proposés par l’administration pour l’audition. Elle en précise également l’objet, le caractère non contraignant et la possibilité pour la personne concernée de se faire assister d’un interprète (BOI précité n° 80).
A notre avis : l’administration précise également que l’audition peut se dérouler en présence du conseil choisi par le contribuable (BOI précité n° 110). Bien que de droit, il conviendrait que cette faculté apparaisse sur la demande d’audition, au même titre que le recours à un interprète, pour une parfaite information de la personne entendue.
9. La demande préalable doit aussi préciser que le contribuable peut demander le report de l’audition ou qu’elle se déroule ailleurs que dans les locaux de l’administration. Dans ce cas, elle ne peut avoir lieu ni au domicile privé du contribuable ou d’un tiers ni dans la partie à usage privatif et d’habitation de locaux professionnels (BOI précité n° 90).
10. Compte tenu de l’objet strictement limité du droit d’audition (voir n° 3), la personne entendue ne peut être questionnée que dans le but de vérifier qu’un tiers respecte les règles de fiscalité internationale visées par l’article L 10-0 AB du LPF, à l’exclusion de toute autre finalité. L’administration précise à cet effet que les questions posées par ses agents doivent êtres précises et ciblées afin d’appréhender la fraude fiscale internationale et ses mécanismes (BOI précité n° 100).
A notre avis : aux termes de ces précisions, toute question posée en contravention aux dispositions de l’article L 10-0 AB du LPF devrait donc nécessairement entraîner l’irrégularité de la procédure d’audition, indépendamment des réponses qui y seront faites. En revanche, l’administration n’apporte aucune précision sur l’incidence de réponses à des questions régulièrement posées mais qui lui fourniraient, même incidemment, des éléments mettant au jour des mécanismes de fraude opérés dans des domaines autres que la fiscalité internationale.
11. Un procès-verbal est rédigé à l’issue de l’audition. Il en mentionne la date et le lieu ainsi que l’identité de tous les participants, y compris celle du conseil et de l’interprète. Les questions posées et les réponses obtenues doivent y être précisément consignées. Un exemplaire ou une copie de ce procès-verbal peut être remis à la personne auditionnée, à sa demande (BOI précité n° 120).
A noter : le procès-verbal constitue la seule garantie contre un détournement de la procédure dès lors qu’il permet de vérifier que la personne a bien été entendue en conformité avec les dispositions de l’article L 10-0 AB du LPF. La personne auditionnée peut le signer ou refuser de le signer. On peut s’étonner que l’administration n’envisage pas de lui en remettre systématiquement un exemplaire, ni de l’autoriser à y porter des observations, notamment en cas de divergence sur la retranscription des échanges. En outre, l’administration n’apporte aucune indication sur les modalités de contestation de ce document.
Des éléments recueillis qui ne constituent pas une preuve à eux seuls
12. Conformément aux dispositions légales et dans l’hypothèse où elles ont servi à fonder des rectifications, les informations recueillies au cours de la procédure d’audition sont communiquées au contribuable dans les conditions prévues par l’article L 76 B du LPF. L’administration précise cependant que pour pouvoir être ainsi opposées au contribuable, les informations consignées dans le procès-verbal doivent être corroborées par d’autres sources d’information et s’inscrire dans un faisceau d’indices concordants établissant l’existence de manquements aux règles de fiscalité internationale visées par l’article L 10-0 AB du LPF (BOI précité n° 130).
A noter : si le procès-verbal devait être ultérieurement déclaré irrégulier, les informations qu’il contient ne pourraient donc plus être utilisées pour fonder les rectifications. L’incidence d’un tel événement doit toutefois être relativisée dès lors que, comme indiqué ci-dessus, les éléments issus du droit d’audition ne peuvent, par nature, fonder à eux seuls des rectifications.
13. L’administration indique par ailleurs que le droit d’audition est susceptible de s’articuler avec les procédures de recherche respectivement prévues par les articles L 16 B, L 81 et suivants et L 10 du LPF. Ainsi, les éléments recueillis au cours d’une audition peuvent être utilisés pour appuyer une demande d’autorisation par le juge de la liberté et de la détention (JLD) de mettre en oeuvre la procédure de visite et de saisie prévue par l’article L 16 B du LPF (BOI précité n° 140).
A notre avis : une éventuelle irrégularité du procès-verbal ne devrait avoir qu’un impact limité sur la validité de l’autorisation donnée par le JLD dès lors que cette autorisation ne peut être fondée sur les seules informations contenue dans le procès-verbal litigieux.
14. De même, si des documents sont cités au cours de l’audition, l’administration peut, pour les obtenir, recourir soit au droit de communication prévu par les articles L 81 et suivants du LPF, soit, à défaut, à la demande de renseignements prévue par l’article L 10 du même Livre (BOI précité nos 150 et 160).
A notre avis : en définitive et compte tenu de tout ce qui précède, le droit d’audition apparaît donc comme une procédure strictement orale au cours de laquelle aucun document ne semble pouvoir être recueilli par les agents de l’administration.
L'ESSENTIEL :
Le droit d’audition est une procédure de recherche d’informations en matière de fraude fiscale internationale dont est exclu le contribuable qui en est soupçonné (nos 2 s.);
L’audition donne lieu à la rédaction d’un procès-verbal restituant les échanges intervenus entre la personne entendue et les agents de l’administration (n° 11) ;
Pour pourvoir être utilisés, les éléments recueillis au cours de l’audition doivent être corroborés par d’autres sources d’informations (nos 12 s.).