En 2016, une femme forme une requête en adoption plénière de l’enfant de son épouse, à laquelle celle-ci consent par acte authentique. Huit mois plus tard, la mère biologique rétracte son consentement par courrier adressé au parquet civil du tribunal judiciaire et engage une procédure de divorce. Son épouse se désiste de l’instance en adoption avant de réintroduire une nouvelle demande en ce sens. Par la suite, un jugement de divorce, frappé d’appel, est rendu tandis que l’adoption plénière est prononcée. La mère biologique conteste cette dernière décision et se pourvoit en cassation. Elle soutient que :
son acte de consentement à adoption a été anéanti par sa rétractation suivie du retrait par son ex de sa demande en adoption. Lors du dépôt de la nouvelle demande en adoption, son consentement devait être recueilli à nouveau, ce qui n’a pas été fait ;
la cour d’appel n’a pas recherché si, au jour où elle prononçait l’adoption, les conditions légales étaient réunies, notamment celle de mariage du couple.
La Cour de cassation rejette le pourvoi en ses deux branches. Sur la question du consentement à adoption, les Hauts Magistrats rappellent que l’adoption plénière de l’enfant du conjoint, permise lorsque l’enfant n’a de filiation établie qu’à l’égard de ce conjoint, requiert le consentement de celui-ci, lequel peut être rétracté pendant deux mois (C. civ. art. 345-1, 1°, 348-1 et 348-3 dans leur rédaction antérieure à la loi 2022-219 du 21-2-2022 et l’ord. 2022-1292 du 5-10-2022). Or, en l’espèce, le consentement, reçu par acte notarié dans les formes requises, n’a pas été rétracté dans les deux mois. Il a donc pu avoir plein et entier effet puisqu’il ne comporte aucune limite dans le temps et ne se rattache à aucune instance particulière, de telles réserves n’étant pas prévues par la loi.
La Cour de cassation rappelle ensuite que le juge doit vérifier si les conditions légales de l’adoption de l’enfant du conjoint sont remplies au moment où il se prononce, notamment celle du mariage entre le parent et l’adoptant (C. civ. art. 345-1, 348-1 et 353 anciens). Tel était bien le cas puisque, au jour du prononcé de l’adoption, le jugement de divorce, qui était frappé d’appel, n’était donc pas définitif et le mariage était encore en cours.
A noter :
Relevons d’abord que les dispositions applicables en l’espèce sont celles antérieures à la réforme de l’adoption (loi 2022-219 du 21-2-2022 ; ord. 2022-1292 du 5-10-2022). Néanmoins, la solution relative au consentement du parent à l’adoption de son enfant et, plus spécialement, à sa durée de validité demeure d’actualité, les dispositions en discussion étant reprises (C. civ. art. 348-1, 348-3 et 348-5 actuels).
C’est la première fois, à notre connaissance, que la Cour de cassation précise qu’une fois donné et après expiration du délai de rétraction, ce consentement ne comporte « aucune limite dans le temps et ne se rattache à aucune instance particulière ». Autrement dit, le parent qui consent à ce que son conjoint, partenaire pacsé ou concubin adopte son enfant ne peut plus s’en dédire après l’expiration du délai de rétractation de deux mois. Concrètement, cela signifie que son engagement se noue devant le notaire lorsque celui-ci recueille son accord et non lors de la procédure en adoption. Le praticien devra donc attirer l’attention des intéressés sur la portée d’une telle démarche. En effet, le tribunal, en présence d’un acte notarié en ce sens, non rétracté dans les deux mois, doit tenir ce consentement pour acquis, même si, comme en l’espèce, le parent s’est rétracté ultérieurement, l’adoptant a renoncé à sa démarche dans un premier temps et si le couple s’est séparé. Les juges pourront refuser l’adoption mais pour d’autres motifs, spécialement s’ils l’estiment contraire à l’intérêt de l’enfant. Précisons à cet égard que la séparation du couple ne justifie pas nécessairement un tel refus (en ce sens, Cass. 1e civ. 3-11-2021 n° 20-16.745 F-D : RTD civ. 2022 p. 107 obs. A.-M. Leroyer).
L’affaire commentée concernait un couple marié. Le fait que le divorce ne soit pas encore prononcé définitivement a permis de considérer la condition de mariage comme remplie et de prononcer l’adoption. Qu’en serait-il en cas de procédure d’adoption de l’enfant de son partenaire ou de son concubin, durant laquelle le couple se sépare ? La première interprétation serait de dire que la dissolution du Pacs ou la fin du concubinage pendant la procédure ferait obstacle au prononcé de l’adoption et il ne serait pas possible, comme avec une procédure de divorce contentieux, de forcer le maintien des liens, le temps que le juge fasse droit à l’adoption (en ce sens, M. Mesnil, Couple de femmes : l’adoption de l’enfant par la conjointe dans un contexte de séparation : Dalloz Actualité 5-6-2023). Si, en revanche, la séparation n’a pas d’incidence sur le processus d’adoption, le parent biologique n’aurait alors plus du tout la maîtrise de son consentement… La sécurité serait alors le contrôle de l’intérêt de l’enfant par le juge.
Rappelons enfin qu’en pratique, depuis la loi de bioéthique du 2 août 2021, entrée en vigueur le 4 août 2021, les couples de femmes délaissent l’adoption au profit de la reconnaissance conjointe anticipée, qui leur permet d’établir, en amont, une double filiation maternelle de leur enfant conçu par PMA avec tiers donneur (C. civ. art. 342-11).
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