Interrogée sur le sens de son action pour les mois à venir, la ministre du travail Elisabeth Borne a indiqué, lors d’une rencontre organisée ce lundi 14 décembre par l’Ajis (association des journalistes de l’information sociale), que sa priorité reste de « protéger les salariés des effets de la crise », tout en précisant que « certaines réponses qu’on invente peuvent aussi se traduire par des changements plus profonds ». Certains dispositifs mis en place de manière temporaire dans le cadre du plan de relance, comme celui de « transition collective » ou le plan jeunes, pourraient ainsi préfigurer des réformes plus structurelles.
La ministre s’est félicitée de la conclusion récente de deux accords nationaux interprofessionnels (ANI) entre les partenaires sociaux, l’un sur le télétravail (26 novembre 2020), l’autre sur la santé au travail (9 décembre 2020). Celui sur le télétravail constitue un cadre, donne des repères pour la négociation de branche ou d’entreprise mais ne nécessite pas de loi, a-t-elle précisé. En revanche, le texte relatif à la santé au travail fera l’objet d’une traduction dans la loi à travers la proposition de loi des deux députées de la majorité, Charlotte Parmentier-Lecoq et Carole Grandjean, qui doit être prochainement déposée à l’Assemblée nationale. Cette proposition respectera l’accord entre les partenaires sociaux même si ces parlementaires avaient un projet différent, assure la ministre.
Concernant le télétravail dans le cadre de l’épidémie, l’intention du Gouvernement était de donner plus de souplesse aux entreprises pour tenir compte du ressenti des salariés qui sont en télétravail total. Cette orientation sera-t-elle confirmée ? Le Gouvernement devrait annoncer cette semaine ses préconisations pour le régime applicable à partir du 1er janvier prochain.
Interrogée sur le dispositif d’activité partielle, Elisabeth Borne a confirmé un resserrement du dispositif exceptionnel mis en place : « A partir de début 2021 et sous réserve de l’apparition d’une troisième vague de l’épidémie, on passera à un reste à charge de 40 % pour les secteurs non protégés, comme cela était prévu en novembre, en incitant les entreprises à conclure si besoin des accords APLD ». Les établissements contraints de rester fermés continueront de bénéficier de la prise en charge à 100 %. Au sein du secteur « protégé », la ministre annonce un pilotage plus fin distinguant les entreprises dont l’activité pourra repartir rapidement, comme les restaurants dès leur réouverture, et celles qui auront besoin de plus de temps comme celles relevant du secteur de l’événementiel.
A noter : S’agissant des travailleurs handicapés, le dispositif d’aide à l’embauche (Ameeth) a été prolongé jusqu’au 30 juin 2021 mais le portail pour effectuer la demande n’est pas encore opérationnel.
La ministre a livré d’autres précisions sur l’agenda social 2021 :
- Assurance-chômage : après la censure du Conseil d'Etat fin novembre, le ministère planche sur la question du calcul du salaire journalier de référence (SJR) dans le respect du principe d’égalité, tandis que la mise en place d’un dispositif de bonus-malus sur les cotisations est reportée à 2022 ;
- Restructuration des branches : le sujet n’est pas prioritaire et a été reporté sine die du fait de l’agenda social trop chargé. « Nous reverrons courant 2021 s’il existe des secteurs où il est pertinent d’avancer », a affirmé la ministre ;
- Travailleurs des plateformes : après le rapport Frouin qui vient d’être remis, le Gouvernement compte aboutir courant 2021 sur la question de la représentation et de la protection sociale des travailleurs des plateformes. Une « mission d’appui » sera créée pour élargir la concertation, au-delà des partenaires sociaux classiques, à d’autres ministères, aux plateformes elles-mêmes et aux représentants des travailleurs. La question de la représentation des salariés peut poser des problèmes en termes de droit de la concurrence, il faudra tenir compte de la réflexion engagée au niveau européen à ce sujet ;
- Travail détaché : une mission de l’Igas est en cours, elle doit rendre ses travaux courant janvier ;
- Travailleurs de la deuxième ligne : la mission confiée fin octobre à Christine Erhel et Sophie Moreau-Follenfant sur la reconnaissance des travailleurs de la deuxième ligne dans le cadre de l’épidémie de Covid-19 rendra ses travaux vendredi 18 décembre, s’agissant de l’identification des emplois concernés. La deuxième partie de leur mission consistera à s’interroger sur la qualité de ces emplois (rémunération et conditions de travail) ;
- Emploi des seniors : la concertation prévue démarrera courant janvier, elle sera centrée sur les fins de carrière, la prévention de l’usure professionnelle et les questions de discriminations liées à l’âge ;
- Retraites : la discussion reprendra, la réforme doit se faire, a indiqué la ministre, mais « l’urgence est de surmonter la crise et les partenaires sociaux n’ont pas follement envie de discuter de ce sujet ».