Pour distinguer le vrai du faux, les clubs exigent souvent des agents qu’ils prouvent l’existence de leur mandat par un écrit. Mais la question qui se pose immédiatement est alors : quelle forme cet écrit doit-il revêtir pour être valable ?
C’est la question que vient de trancher la Chambre civile de la Cour de Cassation, par un arrêt en date du 20 février 2019, au sujet d’une autre catégorie d’intermédiaires, les avocats mandataires sportifs, et concernant un autre sport : le handball. Mais la solution retenue par la Cour de Cassation peut être étendue à tous les intermédiaires, et à tous les sports.
Comment je me suis disputé… avec mon agent
L’histoire est simple. Et, hélas pour les agents, relativement banale. Une handballeuse professionnelle met fin à la relation contractuelle avec ses avocats mandataires sportifs, quelques jours seulement avant de prolonger son contrat dans son club.
Ses avocats l’assignent aussitôt en justice, pour obtenir une indemnité d’éviction. Ce qu’ils obtiennent devant la Cour d’Appel de Bordeaux, par un arrêt en date du 5 septembre 2017.
Tenace, la joueuse se pourvoit en Cassation. Sur quel fondement ? Elle estime que le contrat de mandat sportif conclu avec son avocat aurait dû préciser d’une façon claire et précise la rémunération du mandataire.
Or la convention conclue avec son avocat se borne à prévoir qu’« une convention d’honoraires pourra être signée entre les parties, par acte sous seing privé séparé », et que « le coût de l’intervention du conseil sera d’un maximum de 8 % du montant brut du contrat ». La joueuse estime donc qu’elle est nulle au regard de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971.
C’est cette argumentation que la Cour de Cassation n’a pas suivie. Pour plusieurs raisons.
Peu importe la forme, un écrit est un écrit
La Cour de Cassation estime, en premier lieu, que si l’article L 222-17 du Code du Sport exige bel bien un écrit, à peine de nullité, faisant ainsi du contrat de mandat d’agent sportif un contrat solennel, la forme que doit revêtir cet écrit n’est pas précisée.
Cette décision est conforme à la sa propre jurisprudence. Par le passé, la Cour a estimé, en effet, qu’un simple échange de courriers électroniques pouvait être suffisant pour prouver l’existence d’un mandat.
La Cour de Cassation estime, ensuite, que si la loi du 6 août 2015, dite « Loi Macron », prévoit que, sauf exception mais non applicable en l’espèce, « l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés », aucune forme n’est, là non plus, exigée. La convention n’a pas besoin d’être conclue par un acte unique. Il peut s’agir d’une succession d’actes.
Une situation qui demeure précaire
En conclusion, une convention d’intermédiaire sportif peut donc librement fixer les obligations des parties, tout en renvoyant à un autre écrit pour ce qui relève du montant des commissions ou de la méthode de calcul de ces dernières.
Le législateur a bel et bien voulu réglementer les professions d’agent et d’avocat mandataire sportif. Il a bel et bien entendu clarifier les conditions de leurs interventions, en exigeant que le mandat leur donnant pouvoir d’agir soit conclu par écrit. Mais il n’est pas allé jusqu’à déterminer la forme que doit prendre cet écrit. Il s’est rangé pour cela derrière les dispositions du Code Civil en matière contractuelle. Avec une très grande sagesse.
Reste que cette situation ne devrait pas perdurer. Le durcissement des conditions d’exercice des professions d’agent et d’avocat mandataire sportif demeure une tendance de fond. Il est vraisemblable qu’à plus ou moins long terme, la forme des conventions sera réglementée d’une manière beaucoup plus tatillonne. Il est donc conseillé à tous les agents de s’y préparer. En matière de droit sportif, il n’est jamais trop tôt pour adopter les bonnes pratiques.
Par Thierry GRANTURCO, avocat chez DS Avocats