Un salarié ayant violemment agressé son employeur au cours d’un entretien disciplinaire est licencié pour faute lourde. Il saisit la juridiction prud’homale afin de contester le bien-fondé de son licenciement et solliciter le paiement de diverses sommes à ce titre, notamment d’une indemnité compensatrice de congés payés.
Débouté de ses demandes par la cour d’appel, il se pourvoit en cassation, faisant valoir que les juges du fond n’ont pas caractérisé son intention de nuire à l’égard de l’employeur ou de l’entreprise.
La Haute Juridiction approuve la cour d’appel d’avoir jugé que les agissements du salarié procédaient d’une intention de nuire caractérisant une faute lourde. En revanche, par un moyen relevé d’office, elle censure sa décision en ce qu’elle déboute le salarié de sa demande en paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés.
L'intention de nuire caractérise la faute lourde
La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise (Cass. soc. 22-10-2015 n° 14-11.291 FP-PB : RJS 1/16 n° 15 ; Cass. soc. 8-2-2017 n° 15-21.064 FS-PB : RJS 4/17 n° 261). Ainsi, des violences exercées à l’occasion du travail constituent en général une faute grave, en ce qu’elles rendent impossible le maintien de leur auteur dans l’entreprise (Cass. soc. 23-9-2017 n° 13-17.796 F-D).
Toutefois, en l’espèce, s’agissant d’une violente agression commise par un salarié contre le dirigeant de la société lors d’un entretien disciplinaire, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir retenu que cet acte violent et délibéré ayant occasionné à l’employeur un traumatisme crânien avec une incapacité temporaire de travail de 15 jours procède d’une intention de nuire à ce dernier.
Elle rejette ainsi le moyen du salarié qui s’attaquait à cette appréciation de la nature de la faute commise, en relevant que les constatations de la cour d’appel peuvent justifier une qualification de faute lourde, sur laquelle elle exerce un contrôle.
Mais la faute lourde ne prive pas de l’indemnité compensatrice de congés payés
Dans une décision du 2 mars 2016, le Conseil constitutionnel, répondant à une question prioritaire de constitutionnalité, a déclaré contraire à la Constitution le deuxième alinéa de l'article L 3141-26 du Code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, en ce qu’il privait d’indemnité compensatrice de congés payés le salarié licencié en raison d’une faute lourde (Cons. const. 2-3-2016 n° 2015-523 QPC : RJS 5/16 n° 343). Cette déclaration d’inconstitutionnalité reposait sur une violation de l’égalité devant la loi puisque la perte du droit aux congés payés n’atteignait pas les salariés dont l’employeur était tenu d’adhérer à une caisse des congés payés.
A noter : depuis la déclaration d’inconstitutionnalité de ce texte, le législateur est intervenu par la loi 2016-1088 du 8 août 2016 pour mettre fin à cette situation et supprimer, dans le nouvel article L 3141-28 du Code du travail, toute référence à une faute lourde.
En l’espèce, la Cour de cassation tient compte de cette déclaration d’inconstitutionnalité en relevant d’office qu’elle était applicable aux instances en cours. Dès lors, la cour d’appel ne pouvait pas débouter le salarié ayant commis une faute lourde de sa demande de paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés.
Il en résulte que, outre la privation des indemnités de préavis et de licenciement, commune avec la faute grave, la faute lourde n’a désormais d’intérêt propre qu’en ce qu’elle permet d’engager la responsabilité civile du salarié envers son employeur ou de le licencier pour des faits commis pendant un mouvement de grève.
Valérie DUBOIS
Pour en savoir plus sur les motifs personnels de licenciement : voir Mémento Social nos 47120 s.