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L’aide personnelle au logement ne sera versée au bailleur que si le logement est décent

Lorsque l’organisme payeur cesse de verser les allocations logement en raison de la non-décence du logement, le bailleur ne peut réclamer au locataire que le paiement du montant du loyer et des charges diminué du montant des allocations logement.

Cass. 3e civ. 14-12-2023 n° 22-23.267 FS-B, M. c/ SCI Amphora


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©Gettyimages

Un locataire, invoquant la non-décence de son logement, assigne son bailleur en exécution de travaux et en suspension des loyers. Parallèlement, la caisse d’allocations familiales (CAF) cesse de verser l’aide personnalisée au logement (APL) au bailleur en raison de la non-décence du logement. Le bailleur sollicite à titre reconventionnel le paiement des loyers impayés.

La cour d’appel retient que le logement respecte les critères du logement décent et condamne le locataire au paiement des loyers impayés, incluant le montant de l’allocation logement retenue par l’organisme payeur.

L’arrêt est cassé : lorsque l’organisme payeur applique la procédure de conservation des allocations logement pour non-décence du logement, le propriétaire ne peut exiger du locataire que le paiement du montant du loyer et des charges récupérables diminué du montant des allocations logement.

A noter :

La solution est nouvelle.

Cette affaire pose la question de l’articulation entre les règles de suspension des aides personnelles au logement (APL ou AL) par la CAF, lorsqu’elle constate la non-décence du logement, et celles de l’exigibilité du loyer, lorsque le juge judiciaire retient à l’inverse que le logement est décent.

La loi pose en principe que le bailleur doit délivrer un logement « décent » (C. civ. art. 1719 ; Loi 89-462 du 6-7-1989 art. 6). Cette obligation a un caractère d’ordre public (Cass. 3e civ. 15-12-2004 n° 02-20.614 : BPIM 2/05 inf. 161). Le décret du 30 janvier 2002 définit les caractéristiques d’un logement décent. Le locataire qui estime que son logement ne répond pas à ces critères peut, sur le fondement de l’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989, saisir le juge d’une demande de mise en conformité. Le juge détermine les travaux à réaliser et leur durée d’exécution et peut réduire le loyer ou en suspendre le paiement jusqu’à l’exécution des travaux.

Parallèlement à ce corpus juridique destiné à assurer l’effectivité de l’obligation de délivrance d’un logement décent, les aides au logement versées par la CAF sont également utilisées comme un levier de coercition du bailleur, en particulier lorsqu’il perçoit directement de l’organisme payeur l’allocation à laquelle son locataire a droit. Le bénéfice de l’aide et son versement au bailleur sont subordonnés à la délivrance d’un logement décent par l’article L 822-9 du Code de la construction et de l’habitation, qui dispose que, « pour ouvrir droit à une aide personnelle au logement, le logement doit répondre à des exigences de décence définies en application des deux premiers alinéas de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 ». Lorsque l’organisme payeur constate que le logement ne répond pas aux critères d’un logement décent, il conserve l’allocation logement et notifie au bailleur le constat que son logement n’est pas décent et qu’il doit le mettre en conformité dans un certain délai pour se voir verser à nouveau l’allocation logement. Durant ce délai, le locataire s’acquitte du montant du loyer et des charges « diminué du montant des allocations logement », et cette diminution ne peut pas fonder une action en résiliation du bail de la part du bailleur (CCH art. L 843-1). Le bailleur qui ne met pas le logement en conformité dans le délai imparti ne peut ni récupérer le montant de l’allocation logement conservée par l’organisme payeur ni demander au locataire le paiement de la part de loyer non perçue correspondant au montant de l’allocation conservée (CCH art. L 843-2).

L’articulation de ces deux leviers de coercition ne pose pas de difficulté lorsque l’organisme payeur et l’autorité judiciaire ont la même appréciation du caractère non décent du logement. Mais qu’en est-il lorsque, comme en l’espèce, la CAF considère que le logement n’est pas décent, et l’autorité judiciaire considère le contraire ? Le bailleur, qui ne se voit plus verser l’allocation logement, peut-il réclamer au locataire le paiement de l’intégralité du loyer allocation comprise ?

Dans cet arrêt publié, la Cour de cassation répond par la négative : lorsque l’organisme payeur applique la procédure de conservation des allocations logement pour non-décence du logement, laquelle relève, en cas de recours, de la compétence du juge administratif (CCH art. L 825-1), le bailleur ne peut exiger du locataire que le paiement du montant du loyer et des charges récupérables, diminué du montant des allocations logement. La solution est logique puisque, selon l’article L 843-2 du Code de la construction et de l’habitation, le paiement partiel du loyer par le locataire réalisé en application de l’article L 843-1 ne peut pas être considéré comme un défaut de paiement du locataire. Le bailleur ne peut donc pas lui en réclamer le paiement devant le juge judiciaire, quand bien même celui-ci considérerait, au contraire de l’organisme payeur, que le logement est décent.

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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