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Application d'une clause attributive de juridiction à un litige né d’un abus de position dominante

Pour la CJUE, une clause attributive de juridiction s’applique à un litige né d’un abus de position dominante même si elle ne se réfère pas expressément aux pratiques anticoncurrentielles. La solution est donc différente de celle adoptée en matière d’entente.

CJUE 24-10-2018 aff. 595/17


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Les parties à un contrat, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne, peuvent donner compétence au tribunal d'un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion de leur relation (Règl. 44/2001 du 22-12-2000, dit « Bruxelles I », art. 23 ; Règl. 1215/2012 du 12-12-2012, dit « Bruxelles I bis », art. 25).

Un revendeur agréé de produits informatiques, établi en France, qui se plaint de pratiques anticoncurrentielles de la part de son cocontractant, établi en Irlande, et de la part d'autres distributeurs les poursuit en réparation de son préjudice devant un tribunal de commerce français. Les défendeurs soulèvent alors une exception d'incompétence en invoquant la clause du contrat de distribution donnant compétence aux juridictions irlandaises.

Dans un premier temps, la Cour de cassation avait jugé qu’une clause attributive de compétence figurant dans un contrat de livraison n'est applicable au litige né de son exécution qu'à la condition que cette clause se réfère aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence. Par suite, elle avait censuré la décision d’une cour d'appel qui avait fait application de ladite clause alors qu'elle ne se référait pas à des pratiques anticoncurrentielles (Cass. 1e civ. 7-10-2015 n° 14-16.898 F-PBI : RJDA 1/16 n° 78).

Saisie une seconde fois après renvoi, la Cour de cassation avait sursis à statuer et posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’UE sur l'applicabilité d'une clause attributive de juridiction à un litige délictuel né d'une infraction au droit de la concurrence.

La CJUE y répond en distinguant les ententes et les abus de position dominante. Elle rappelle que si des dommages-intérêts sont réclamés en raison d’une entente, les clauses attributives de juridiction contenues dans un contrat de livraison ne peuvent être prises en considération qu’à la condition d’une référence expresse aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d’une infraction au droit de la concurrence (CJUE 21-5-2015 aff. 352/13). En revanche en cas d’abus de position dominante, une clause attributive de juridiction contenue dans le contrat liant les parties ne doit pas être exclue au seul motif que cette clause ne se réfère pas expressément aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d’une infraction au droit de la concurrence.

A noter : Précisions inédites.

La CJUE justifie la différence de solution selon qu’il s’agit d’une entente ou d’un abus de position dominante par le fait qu’une clause attributive de juridiction est limitée aux seuls différends qui trouvent leur origine dans le rapport de droit à l’occasion duquel cette clause a été convenue. Or un litige relatif à l’existence d’une entente avec un tiers n’est pas raisonnablement prévisible pour l’entreprise victime au moment où elle a consenti à la clause, dès lors que l’entente impliquant son cocontractant lui était inconnue (CJUE 21-5-2015 aff. 352/13), alors que l’abus de position dominante peut se matérialiser dans les relations contractuelles qu’une entreprise en situation de position dominante noue au moyen des conditions contractuelles.

Sophie CLAUDE-FENDT

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 72148

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne