Par son caractère temporaire, le contrat à durée déterminée (CDD) est un contrat particulier soumis à des règles spécifiques, notamment en matière de formalisme. Ainsi, en application de l’article L 1242-12 du Code du travail, ce contrat doit être établi par écrit et comporter un certain nombre de mentions obligatoires.
L'exigence d'un écrit n'est satisfaite que si le contrat de travail, constatant l'accord des parties sur le caractère à durée déterminée de leur relation, porte la signature de chacune d’elles (Cass. soc. 14-11-2018 n° 16-19.038 FS-PB).
Cette exigence de signature du contrat par les parties était l’objet d’un arrêt rendu le 14 décembre 2022 par la chambre sociale de la Cour de cassation dans lequel elle s’est prononcée sur la valeur d’une signature numérisée, apposée sous la forme d’une image sur le contrat de travail.
Un contrat signé, mais…
L’arrêt concerne un salarié engagé le 4 octobre 2017 en CDD saisonnier. Par lettre du 5 octobre 2017, il prend acte de la rupture du contrat de travail estimant que le lien de confiance est rompu du fait de la transmission pour signature d'un contrat de travail comportant une signature de l'employeur photocopiée et non manuscrite.
Le 14 décembre 2017, il saisit la juridiction prud'homale d'une demande de requalification du CDD en contrat à durée indéterminée (CDI) et de demandes se rapportant à la rupture du contrat.
L’objet du contentieux portait donc sur la valeur d’une signature numérisée apposée par l’employeur sur le CDD, au regard des obligations de formalisme issues de l’article L 1242-12 du Code du travail et de la jurisprudence de la Cour de cassation rendue sur ce fondement, citée ci-dessus.
… quelle valeur conférer à l’image numérisée de la signature ?
Le salarié faisait notamment valoir qu’une signature manuscrite scannée n’est ni une signature originale ni une signature électronique et n’a aucune valeur juridique. Par suite, le contrat ne répondant pas au formalisme imposé en matière de contrat à durée déterminée, il encourait la requalification en relation à durée indéterminée.
Les juges du fond ont, certes, retenu que l’apposition d’une signature sous forme d’une image numérisée ne pouvait être assimilée à une signature électronique au sens de l’article 1367 du Code civil. Toutefois, ils ont constaté que le gérant de la société était habilité à signer le contrat de travail, peu important le procédé technique utilisé. Or, la signature numérisée permettait d'identifier clairement le représentant légal de la société, de sorte que l’emploi de ce procédé de signature n’affectait pas la validité formelle du contrat.
La signature numérisée est suffisante dès lors qu’elle permet d’identifier son auteur
Au visa de l’article L 1242-12, alinéa 1 du Code du travail, après avoir rappelé l’obligation de formalisme prévue à cet article, selon lequel le CDD est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif sous peine de requalification, la chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi et valide le raisonnement des juges du fond.
Ainsi, si l’image numérisée d’une signature ne peut être assimilée à un mécanisme de signature électronique au sens du Code civil, il n’était pas contesté, en l’espèce, que la signature en cause était celle du gérant de la société et permettait parfaitement de l'identifier, lequel était habilité à signer le contrat de travail. La Haute Juridiction en conclut que l'apposition de ladite signature ne vaut pas absence de signature, en sorte que la demande de requalification devait être rejetée.
En se prononçant ainsi, la chambre sociale marque l’importance de l’identification des signataires, ce qui correspond, en quelque sorte, à l’objectif d’une signature. En effet, dans le cas d’espèce les constatations des juges du fond faisaient ressortir que l’auteur de la signature était parfaitement identifié, ce qui semble avoir été décisif.
A noter :
Par la présente décision, la chambre sociale de la Cour de cassation s’inscrit dans la lignée de précédentes décisions. Dans un arrêt rendu à propos d’une lettre de licenciement, la chambre sociale avait estimé que l’apposition d’une signature numérisée n’équivalait pas à une absence d’écrit (Cass. soc. 17-5-2006 n° 04-46.706 F-D).
Par ailleurs, une décision similaire a été retenue pour un avenant à un accord collectif à propos de l’apposition d’un simple paraphe copié par un tiers (Cass. soc. 5-1-2022 n° 20-17.113 F-D).
Rendue à propos des CDD, la solution est selon nous transposable à tous les contrats de travail pour lesquels un écrit est requis. Notamment, elle l’est aux contrats de mission, la jurisprudence assimilant, comme dans le cas des CDD, l’absence de signature d’un tel contrat par l’une des parties à une absence d’écrit sanctionnée par la requalification des relations contractuelles en contrat à durée indéterminée auprès de l’entreprise de travail temporaire (Cass. soc. 17-9-2008 n° 07-40.704 F-PB).
Enfin, dès lors qu’une signature numérisée permet d’identifier l’auteur d’un écrit requis pour la validité d’un acte, elle permet à plus forte raison d’identifier l’auteur d’un écrit produit uniquement à titre de preuve, par exemple quand il s’agit d’apporter la preuve de certaines clauses du CDI.
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