Une société allemande dépose la marque figurative Gugler auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO). Se prévalant d’un droit antérieur sur ce signe, correspondant à sa dénomination sociale, et de l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public, la société française Gugler France agit en nullité de cette marque.
La CJUE écarte la nullité en se fondant sur l’argumentation suivante.
Il y a risque de confusion lorsque le public peut croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (CJCE 28-9-1998 aff. 39/97).
En l’espèce, le lien économique entre les sociétés française et allemande existant à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée s’opposait à la constatation de l’existence d’un risque de confusion, ce lien résultant des éléments suivants :
- à la date de la demande d’enregistrement de la marque, il existait des relations commerciales entre la société française et la société allemande, la société française étant le distributeur en France des produits de la société allemande et cette dernière détenant, depuis le mois de juillet 2002, des parts du capital de la société française ;
- à cette même période, la société allemande et des fondateurs de la société française avaient créé ensemble une troisième société, qui détenait la marque figurative française Gugler, sur laquelle elle avait accordé une licence à la société française.
Par suite, le fait que les consommateurs puissent croire que les produits et les services en cause provenaient d’entreprises liées économiquement ne constituait pas une erreur sur leur origine.
La société française faisait valoir que le lien économique devait exister dans un sens déterminé, allant de l’entreprise ayant des droits antérieurs, à savoir elle-même, vers le titulaire de la marque contestée, à savoir la société allemande. Elle soulignait à cet égard qu’elle n’avait aucun contrôle sur la société allemande ou sur les produits fabriqués sous la marque contestée et qu’elle ne détenait pas de parts du capital de cette société. La Cour écarte cet argument : l’existence d’un lien économique ne présuppose pas un ordre particulier entre les entreprises concernées. L’existence, au sein d’un groupe d’opérateurs, d’un point de contrôle unique au regard des produits fabriqués par l’un d’entre eux et distribués par un autre peut ainsi suffire pour exclure tout risque de confusion quant à l’origine commerciale de ces produits.
A noter : 1. La marque sert à distinguer les produits et services d’une entreprise de ceux d’une autre. La nullité d’une marque peut donc être notamment demandée en cas de risque de confusion avec un signe antérieur, c’est-à-dire lorsque le public peut croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d'entreprises liées économiquement (CJCE 28-9-1998 aff. 39/97, Canon Kabushiki Kaisha : Rec. I-5507).
Or, dans l’affaire commentée, les entreprises en cause étaient effectivement liées.
Par conséquent, le fait que le public pense que les produits venaient d’entreprises liées économiquement n’était pas susceptible de générer une erreur sur l’origine de ces produits puisque cette croyance était juste.
La CJUE précise également ici que le lien économique ne doit pas nécessairement être caractérisé dans un sens déterminé entre les parties, ce qui aurait permis en l’espèce d’écarter ce lien, et donc de rendre possible la reconnaissance d’un risque de confusion.
2. La solution retenue fait écho à un arrêt de 2017 de la CJUE en matière d’épuisement des droits, règle qui fait obstacle à ce que le titulaire d’une marque interdise l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis sur le marché dans l'Union européenne sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement. Dans cet arrêt, la CJUE a précisé que l’existence de liens économiques peut être caractérisée non seulement quand les produits concernés ont été mis en circulation par un licencié, une société mère, une filiale du même groupe ou encore un concessionnaire exclusif, mais également lorsque, après le fractionnement de marques parallèles nationales dû à une cession territorialement limitée, les titulaires de ces marques coordonnent leurs politiques commerciales ou s’accordent afin de contrôler conjointement l’utilisation desdites marques, de telle sorte qu’ils ont la possibilité de déterminer directement ou indirectement les produits sur lesquels celles-ci sont apposées et d’en contrôler la qualité (CJUE 20-12-2017 aff. 291/16).
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 32451