Une société exploite un fonds de commerce d'hôtel dans des locaux donnés en location, fonds qu'elle a acquis d'une autre entreprise. Elle reprend diverses procédures ayant opposé le bailleur au cédant, puis elle demande le renouvellement du bail, que le bailleur refuse, invoquant un motif grave et légitime. Elle agit alors en fixation d'une indemnité d'éviction. Une autre instance est également en cours à la suite de la délivrance de commandements de payer visant la clause résolutoire par le bailleur auxquels la société s'est opposée. Finalement, le bailleur poursuit la société en ouverture d'une procédure collective en raison d'impayés mais sa demande est rejetée par le tribunal en l'absence d'état de cessation des paiements de la société.
La cour d'appel de Paris condamne le bailleur à verser 30 000 € de dommages-intérêts à sa locataire pour procédure abusive. L'assignation en procédure collective n'était qu'une des nombreuses procédures engagées entre les parties au cours des dernières années, mais elle était de nature à porter atteinte à l'existence même de la société, alors que les parties étaient par ailleurs en litige au sujet des indemnités d'éviction et d'occupation. Cette assignation constituait un abus de la part du bailleur pour tenter de se faire payer des créances en discussion, qui n'avaient donc aucun caractère certain et exigible. Cet abus avait été réitéré en appel après que le tribunal avait rejeté la demande d'ouverture de la procédure collective.
A noter :
Sauf le cas où le débiteur fait l'objet d'une conciliation ou d'une procédure collective en cours, le redressement ou la liquidation judiciaire peut être ouvert sur assignation d'un créancier du débiteur, quelle que soit la nature de sa créance (C. com. art. L 631-5, al. 2 et L 640-5, al. 2). Encore faut-il que cette créance soit certaine, liquide et exigible (Cass. com. 2-12-2014 n° 13-20.203 F-PB : RJDA 5/15 n° 372). Mais il n'est pas nécessaire qu'elle soit assortie d'un titre exécutoire (Cass. com. 28-6-2017 n° 16-10.025 FS-PBI : RJDA 11/17 n° 735).
Le créancier qui assigne abusivement son débiteur peut être condamné à des dommages-intérêts. L'abus est par exemple caractérisé lorsque le créancier a utilisé l'assignation comme moyen de pression pour obtenir le règlement de certaines dettes (Cass. com. 1-10-1997 n° 95-13.262 P : RJDA 12/97 n° 1537). Le créancier peut en outre être condamné à payer une amende civile de 10 000 € (CPC art. 32-1).
Documents et liens associés
CA Paris 16-2-2023 n° 21/19512, SAS Bassano Développement c/ P.
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