L’associé majoritaire d’une société à responsabilité limitée (SARL) composée de deux associés, cogérant avec l'autre associé, décide de révoquer le minoritaire au cours d'une assemblée qu'il avait convoquée et à laquelle il était seul présent.
Le minoritaire demande l’annulation de l’assemblée, faisant valoir que l’associé majoritaire ne pouvait pas le révoquer seul, la présence d'au moins deux associés étant requise en application des statuts de la société, qui prévoient que « les décisions relatives à la nomination ou à la révocation de la gérance doivent être prises par des associés représentant plus de la moitié des parts sociales ».
Cet argument est écarté. La clause était ambiguë et il est communément admis que la décision de révocation d'un gérant minoritaire associé d'une SARL qui ne comporte que deux associés peut résulter du seul vote de l'associé possédant plus de la moitié des parts sociales. Les termes « des associés » figurant dans la clause devaient être compris comme faisant référence de manière générique à « un ou plusieurs associés » ayant pris part au vote et non comme imposant, pour ce vote, la présence des deux associés.
A noter :
Le gérant de SARL peut être révoqué par « décision des associés » dans les conditions de l'article L 223-29 du Code de commerce, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte (C. com. art. L 223-25). Comme la clause statutaire litigieuse, qualifiée d'« ambiguë », cet article L 223-25 emploie les termes « des associés », ce qui pourrait prêter à confusion. Néanmoins, il renvoie à l'article L 223-29, qui détermine les conditions générales d'adoption des décisions collectives et prévoit que ces décisions sont adoptées par « un ou plusieurs associés » représentant plus de la moitié des parts sociales. La décision de révocation peut donc être adoptée par un seul associé s'il détient plus de la moitié des parts sociales, quel que soit le nombre d'associés et qu'ils soient présents ou non à l'assemblée.
Pour éviter tout litige, il est important de rédiger les statuts clairement en fonction du but recherché, soit en indiquant que la décision doit être adoptée par un ou plusieurs associés, soit, au contraire, en imposant la présence d'un nombre déterminé d'associés pour l'adoption de certaines décisions.
Si les rédacteurs de statuts souhaitent empêcher un associé faiblement majoritaire de décider seul la révocation du minoritaire, une majorité plus élevée que la majorité légale peut être prévue, par exemple les deux tiers ou les trois quarts des parts sociales. Toutefois, la possibilité de prévoir une majorité plus forte n'autorise pas les statuts à exiger l'unanimité ; en effet, le gérant associé peut participer au vote et exiger l'unanimité aboutirait à le rendre irrévocable. Ainsi, la cour d'appel de Paris a précisé que la clause des statuts d'une SARL prévoyant que les gérants sont révoqués par décision unanime des associés est nulle et que l'assemblée générale peut valablement passer outre et révoquer l'un des gérants à la majorité légale (CA Paris 10-10-2006 n° 05/17037 : RJDA 2/07 n° 168).