Une SARL est créée pour exploiter une agence de voyage par deux sœurs et le gendre de l'une d'elles, lequel est nommé gérant de la société. Quelques années plus tard, celui-ci entame avec son épouse une procédure de divorce. Les relations entre les associés se dégradent alors, et le gérant est révoqué. Il agit en responsabilité contre la société, faisant notamment valoir que sa révocation avait été décidée dans des conditions vexatoires.
La cour d'appel de Paris fait droit à sa demande.
La révocation avait eu lieu dans des circonstances humiliantes pour l'intéressé, dont le personnel avait pu être témoin. L'assemblée générale au cours de laquelle elle avait eu lieu s'était en effet tenue dans un bureau attenant à l'open space où travaillait le personnel, qui avait donc pu entendre une partie des propos tenus, et notamment des insultes proférées à l'encontre du gérant. De plus, à la sortie de l'assemblée générale, le ton était monté, donnant lieu à une scène choquante et indigne à l'égard de l'intéressé, au cours de laquelle avaient fusé des insultes et des provocations. La plupart des salariés, qui avaient assisté à la scène, étaient en pleurs. Le dirigeant avait enfin été sommé de quitter les lieux, et de rendre les cartes bleues, les chéquiers, le téléphone portable et l'ordinateur qui lui avaient été confiés. Ce manque de retenue à l'égard du gérant révoqué, qui avait été membre par alliance de la famille des deux autres associés, caractérisait des circonstances vexatoires, que le juste motif de révocation ne saurait justifier.
Par suite, la cour d'appel a condamné la SARL à verser 10 000 € de dommages-intérêts à son ancien gérant.
A noter :
La révocation ne doit pas intervenir dans des conditions abusives, sous peine d’ouvrir droit à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par le dirigeant, les griefs formulés contre l'intéressé étant sans incidence (Cass. com. 26-11-1996 n° 94-15.661 : RJDA 2/97 n° 222). La révocation est considérée comme abusive dans deux cas, qui peuvent se cumuler : quand elle a lieu brutalement, en méconnaissance de l’obligation de loyauté due au dirigeant, et en cas de circonstances vexatoires ou injurieuses, portant atteinte à sa réputation ou son honorabilité, ou présentant un caractère offensant.
A été jugé abusif le fait de révoquer le dirigeant brutalement, au su et à la vue du personnel, en faisant appel à un huissier de justice et à la police et en l'ébruitant dans le milieu professionnel (CA Paris 13-10-2016 n° 05-23-871 : RJDA 7/07 n° 772). De même, le dirigeant révoqué à l'égard duquel l'un des administrateurs a employé des termes rabaissants et adopté une position humiliante doit être indemnisé (CA Paris 30-6-2016 n° 15/16033 : RJDA 11/16 n° 797). En revanche, ne constitue pas des circonstances vexatoires un échange de propos désagréables au cours de l'assemblée ayant révoqué le dirigeant, dès lors que ces propos n'ont pas dégénéré en dispute et qu'aucune publicité externe ne leur a donné un caractère diffamatoire (CA Rennes 25-2-1972 : JCP G 1972 II n° 17220).
Documents et liens associés
CA Paris 7-2-2023 n° 20/06615, SARL Frenchway Travel c/ X
Avec le Bulletin Rapide Droit des Affaires, suivez toute l'actualité juridique commentée et analysée pour assurer la relance d'activité pour vos clients ou votre entreprise :
Vous êtes abonné ? Accédez la revue à distance grâce à la version en ligne
Pas encore abonné ? Nous vous offrons un essai gratuit d'un mois à la revue Bulletin Rapide Droit des Affaires.