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Assurance chômage : une proposition de loi s'oppose au projet gouvernemental

Réunis en conférence de presse, mardi 21 mai à l'Assemblée nationale, les numéros un des syndicats et les députés Liot ont fait front contre le projet de réforme de l'assurance chômage du Gouvernement. Les syndicats soutiennent de manière unanime la proposition de loi du groupe parlementaire qui sera examinée en séance publique le 13 juin prochain.


Par Marie-Aude GRIMONT
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©Getty Images

En juin 2023, le groupe parlementaire Libertés Indépendants Outre-Mer et Territoires (Liot) s'était déjà porté en soutien des syndicats en déposant un texte d'abrogation de la réforme des retraites. Députés et syndicalistes se retrouvent désormais sur la cause de l'assurance chômage. Dans le but de contrer le projet du Gouvernement de réformer le système, les députés ont déposé le 30 avril une proposition de loi visant au contraire une préservation du régime.

Une proposition de loi pour sanctuariser l'assurance chômage paritaire

Le texte est porté par Martine Froger, députée Liot de l'Ariège : « Le paritarisme veut dire quelque chose chez nous, et le dialogue social aussi. On n'envisageait pas de présenter cette proposition sans lien avec les organisations syndicales », nous a-t-elle indiqué à la fin de la conférence de presse. Le texte a cependant été rédigé par le groupe parlementaire qui a ensuite associé les cinq syndicats représentatifs à leur démarche. Voilà pour la méthode.

Sur le fond, l'article 1 du texte réécrit l'article L 5422-2 du Code du travail sur les conditions d'attribution de l'allocation « afin qu'une nouvelle réforme unilatérale du Gouvernement par voie réglementaire ne puisse conduire à diminuer encore davantage l'indemnisation », selon l'exposé des motifs. Il impose donc « une durée d'indemnisation égale à la durée d'indemnisation prise en compte pour l'ouverture des droits ».

L'article 2 supprime le principe de contracyclicité souhaité par le Gouvernement mais jamais appliqué, à savoir favoriser la prise en charge en période de morosité de l'emploi et au contraire la réduire en cas d'accalmie sur le marché du travail. Il fixe également dans la loi (s'il était adopté) la durée d'affiliation à 6 mois sur les 24 derniers mois telle qu'elle existe actuellement.

L'article 3 remplace la lettre de cadrage par un document d'orientation moins contraignant : exit les objectifs d'évolution des objectifs d'indemnisation. Il propose également au Gouvernement d'agréer l'accord des partenaires sociaux et de ne leur suppléer par un décret qu'en cas d'échec des négociations paritaires. Enfin, l'article 4 propose une négociation spéciale seniors dans toute entreprise d'au moins 300 salariés. A défaut d’accord, il est proposé que l’employeur établisse un plan d’action annuel pour favoriser l’emploi des salariés âgés.

Selon Bertrand Pancher, chef de file du groupe Liot à l'Assemblée nationale : « Depuis la réforme des retraites, nous travaillons régulièrement avec les organisations syndicales et patronales. Nous avons des relations familières voire amicales (…) car l'ADN de notre groupe, sa colonne vertébrale, ce sont les corps intermédiaires, le dialogue social et la concertation ». De ce fait, la proposition de loi sur l'assurance chômage sera la première sur une vingtaine de textes à être discutée le 13 juin lors de la journée de la niche parlementaire du groupe. Depuis la révision constitutionnelle de 2008, un jour par mois, un groupe d'opposition ou un groupe minoritaire peut décider de l'ordre du jour de l'Assemblée et y inscrire ses propositions de loi (article 48 de la Constitution).

Une proposition de loi soutenue par les syndicats

En s'associant au groupe Liot, les syndicats veulent montrer que leurs actions ne se limitent pas aux grèves et manifestations. Comme pendant la mobilisation contre la réforme des retraites, le message envoyé à l'exécutif est de l'aviser des liens entretenus avec députés et sénateurs, alors que le Gouvernement ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale. La démarche permet aussi de s'adresser plus largement à l'opinion publique via la représentation parlementaire, au-delà de leur cercle d'adhérents.

De l'avis de Marylise Léon (CFDT), « on a plus que jamais besoin dans le débat public de parler de ce qu'est vraiment l'assurance chômage car il existe de nombreux présupposés à ce qu'est la vie au chômage. [Les chômeurs] sont des personnes en vulnérabilité ». Pointant le danger de continuer des réformes sans études d'impact ni évaluation, elle pense qu'il « est sain que le Parlement soit sensibilisé ». Enfin, « la CFDT n'est pas dupe : l'objectif de la réforme est purement budgétaire, mais l'assurance chômage n'est pas une variable d'ajustement, que le Gouvernement expose ses véritables motifs, nos concitoyens méritent un débat de qualité ».

Sophie Binet est on ne peut plus claire : « La CGT appelle l'ensemble des groupes parlementaires à voter cette proposition de loi pour forcer le Gouvernement à abandonner sa réforme ». Elle considère que « le Gouvernement foule au pied sa propre parole » en ne respectant pas la contracyclicité qu'il a lui-même instaurée. Le véritable enjeu, « c'est l'avenir du paritarisme car il existe une différence de nature fondamentale entre l'assurance chômage gérée par les partenaires sociaux et celle où l'Etat reprend le contrôle : dans ce dernier cas, le patronat contestera le financement par les cotisations sociales et demandera un financement par l'impôt. On basculera dans le modèle britannique », a-t-elle ajouté.

Frédéric Souillot (FO) a confirmé les bonnes relations entretenues avec le groupe Liot, tout en rappelant « qu'être au chômage ce n'est pas un choix. De plus, seulement 38 % des demandeurs d'emploi sont indemnisés. Quant aux offres d 'emploi non pourvues, dont on nous rebat les oreilles depuis des années, elles étaient 390 000 en 2019 avant Covid et 416 000 en 2024. Donc le vrai sujet c'est l'attractivité des métiers, des emplois à temps partiels subis qui ne permettent pas de remplir le frigo ». Dénonçant « une réforme supplémentaire pour taper sur les plus précaires », il s'est inscrit dans les propos de la députés Martine Froger : « Le Gouvernement doit arrêter d'être fort avec les faibles », avant de terminer ainsi : « Quand André Bergeron a proposé l'assurance chômage au Gouvernement en 1958, le taux de chômage était inférieur à 3 % ».

François Hommeril (CFE-CGC) voit dans le projet de réforme du Gouvernement « un triple mépris ». Celui des chômeurs tout d'abord, « qui ont une activité à temps plein exigeant des conditions de revenu assez adaptées pour faire une recherche d'emploi ». Mépris de la réalité ensuite : « On a observé un retour à l'emploi quelques jours avant la fin de l'indemnisation. Cela ne signifie pas que la personne n'a rien fait pendant 6 mois. Le spectre de l'absence d'indemnisation conduit les gens à accepter plus facilement n'importe quel emploi ». Mépris enfin des partenaires sociaux : « Les finances de l'assurance chômage ont toujours été excédentaires sauf à partir du moment où l'Etat s'en est occupé ».

Bien qu'associée au projet de texte, la CFTC n'était pas représentée lors de la conférence de presse.

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Patrick Martin (Medef) : « Nous sommes en soutien d'une nouvelle réforme de l'assurance chômage »

Interrogé le matin même sur France Inter, le président du Medef Patrick Martin s'est dit « en soutien d'une nouvelle réforme de l'assurance chômage si elle pouvait reprendre ce sur quoi nous nous étions accordés en novembre dernier avec les syndicats, dont une baisse de cotisation patronale ». Quant à l'une des hypothèses du Gouvernement de porter la condition d'affiliation à 8 mois de travail sur 20 mois (au lieu des 6 mois de travail sur 24 mois aujourd'hui), il considère que « c'est une option envisageable, elle génèrera des économies significatives mais il faudra veiller à ce que les jeunes ne soient pas pénalisés ».

Pour Marylise Léon (CFDT), « [cette condition d'affiliation] n'est pas ce qu'il a signé dans l'accord, il ne peut pas dire qu'il soutient l'accord de 2023 et se prononcer pour modifier la condition d'affiliation. L'accord était un équilibre, mais il ne devait pas y être si attaché que ça ». Sophie Binet (CGT) est du même avis : « Il faut savoir, soit on reprend l'accord soit on ne le reprend pas. La baisse de cotisations patronales l'intéresse mais on rajoute des reculs pour les privés d'emploi donc (…) c'est se moquer du monde ». Pour Frédéric Souillot (FO), « il ne peut pas y avoir de durcissement de la convention d'assurance chômage. Nous sommes pour l'application de celle de novembre que nous avons signée et que le Gouvernement n'a pas agréé. Si Patrick Martin veut continuer de parler de paritarisme, il ne faut pas qu'on réduise les droits des demandeurs d'emploi ». François Hommeril (CFE-CGC) considère que « tout ça c'est foireux : sur la question du chômage on parle toujours d'un taux moyen pour la France alors que les taux varient d'une région à l'autre. Donc les théories autour de cela ne fonctionnent pas parce que les gens ne sont pas mobiles pour des raisons familiales notamment ».

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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