Le souscripteur de deux contrats d’assurance-vie est placé sous un régime de curatelle simple, une association étant désignée comme curateur. Après l’ouverture de la curatelle, le souscripteur désigne, par testament authentique, son fils bénéficiaire des deux contrats en remplacement de sa fille. Par courrier, le curateur donne à l’assureur son accord au changement de bénéficiaire de l'un des deux contrats. Au décès du souscripteur, l’assureur, qui n'avait pas obtenu l’accord du curateur pour la substitution de bénéficiaire du second contrat, verse les capitaux de ce contrat à la fille du souscripteur initialement désignée. Le fils assigne l’assureur et le curateur en responsabilité afin d’obtenir des dommages intérêts. La cour d’appel de Bordeaux relève que le curateur n’a pas assisté le souscripteur pour la modification de la clause bénéficiaire du contrat et juge que cette modification n’a pu résulter du seul testament. Dès lors l’assureur a réglé à bon droit le montant du capital à la fille conformément à la clause bénéficiaire non valablement révoquée. Le fils conteste la décision.
Le pourvoi est rejeté : une personne en curatelle est libre d’exprimer sa volonté par testament mais ce n’est qu’avec l’assistance du curateur qu’elle peut modifier le bénéficiaire de son contrat d’assurance-vie.
A noter : solution logique. Le Code des assurances prévoit qu’après l’ouverture d’une curatelle la substitution du bénéficiaire ne peut être accomplie qu’avec l’assistance du curateur (C. ass. art. L 132-4-1, al.1). Et la Cour de cassation indique clairement que ce texte déroge à l'article 470, al. 1 du Code civil aux termes duquel la personne sous curatelle peut librement tester sous réserve d’être saine d’esprit (C. civ. art. 470, al.1). Elle confirme ainsi la solution de la cour d’appel pour laquelle « la loi a institué un régime d’assistance particulier de la personne protégée pour toute modification des clauses bénéficiaires, eu égard à la gravité de cet acte, sans distinguer selon que la modification soit faite par un avenant au contrat ou par testament ».
En pratique : il faut que le curateur soit présent au moment où le souscripteur exprime dans son testament la volonté de modifier le bénéficiaire, ou que le curateur donne son accord à l’assureur avant le décès du souscripteur (peu important que cela soit avant ou après l’établissement du testament). Lorsqu’aucune de ces conditions n’est réunie, comme en l'espèce, le testament n’est pas nul mais la disposition relative à la substitution de bénéficiaire qu’il contient est « privée d’efficacité ».
Rémy FOSSET
Pour en savoir plus sur la souscription d'un contrat d'assurance-vie par un majeur protégé : voir Mémento Patrimoine n° 28157.