Un service d'appel téléphonique mis en place à l'initiative des salariés n'est pas une astreinte
Dans la première espèce, deux salariés, infirmiers coordinateurs d'un service de soins infirmiers à domicile, mettent en place un service permettant aux aides-soignants de pouvoir les joindre par téléphone en dehors de leurs heures de travail pour obtenir un avis ou un conseil, en cas de besoin, lors de leurs interventions. Pour organiser une alternance entre eux, ils établissent un planning avec des horaires précis. Un des deux salariés prend acte de la rupture de son contrat de travail et saisit la juridiction prud'homale pour demander notamment le paiement de ces astreintes.
Une cour d'appel l'ayant débouté de sa demande, le salarié se pourvoit en cassation en soulevant deux arguments. D'une part, des astreintes devaient être mises en place eu égard à sa fonction, ses horaires de travail et ceux des aides-soignants, même en l'absence de stipulation expresse de son contrat de travail. D'autre part, l'accord implicite de l'employeur à l'accomplissement des astreintes suffit au salarié pour en obtenir le paiement.
La Cour de cassation confirme la décision des juges du fond. Pour elle, les périodes litigieuses ne constituent pas des périodes d'astreinte, les salariés ayant mis le service en place à leur propre initiative en dehors de leurs heures de travail. Par ailleurs, elle précise que la seule connaissance par l'employeur d'une situation créée de fait par les salariés ne saurait transformer cette situation en astreinte.
L'obligation à laquelle se trouve soumis un salarié de répondre à des appels téléphoniques hors temps de travail peut constituer un temps d'astreinte (Cass. soc. 2-3-2016 n° 14-14.919 F-D ; Cass. soc. 16-3-2016 n° 14-27.971 F-D). Toutefois, cette situation doit nécessairement résulter des conditions d'exécution du contrat de travail, telles qu'elles sont prescrites par l'employeur.
Le salarié appelé à intervenir ponctuellement à partir d'un logement de fonction est d'astreinte
Dans la seconde espèce, un salarié, médecin résident, effectue des permanences dans un logement de fonction. Après avoir été licencié pour faute grave, il saisit la juridiction prud'homale pour demander le paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, considérant que ces permanences n'étaient pas des astreintes mais du temps de travail effectif. Au soutien de sa demande, le salarié fait valoir qu'il est tenu de rester dans un local déterminé par l'employeur, à proximité de son lieu de travail et lui permettant de répondre à toute nécessité d'intervention, son domicile personnel étant trop éloigné de l'établissement.
La décision des juges du fond, rejetant sa demande, est approuvée par la Cour de cassation. Cette dernière rappelle d'abord les définitions de travail effectif et d'astreinte. Constitue un travail effectif au sens de l'article L 3121-1 du Code du travail le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Selon l'article L 3121-5 du même Code dans sa rédaction antérieure à la loi Travail, constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif.
Ensuite, la Cour de cassation applique les définitions au cas qui lui était soumis. Pour elle, la sujétion imposée au salarié de se tenir, durant les permanences, dans un logement de fonction mis à disposition à proximité de l'établissement afin d'être en mesure d'intervenir en cas d'urgence ne l'empêchait pas de vaquer à des occupations personnelles. Dès lors, la période litigieuse ne constituait pas du temps de travail effectif
Ainsi, ce qui est déterminant pour distinguer le travail effectif de l'astreinte, c'est de savoir si le service attendu du salarié occupant un logement de fonction lui laisse la possibilité de se livrer à d'autres occupations non professionnelles (Cass. soc. 31-5-2006 n° 04-41.595 FS-PB ; Cass. soc. 9-11-2010 n° 08-40.535 FS-PB). Tel était le cas en l'espèce. En conséquence, la qualification de temps de travail était exclue.
A noter : depuis le 10 août 2016, la définition de l'astreinte ne comporte plus l'obligation pour le salarié de demeurer à son domicile ou à proximité. Désormais, celui-ci doit simplement ne pas se trouver sur son lieu de travail (C. trav. art. L 3121-9). Cette modification résulte de l'article 8 de la loi 2016-1088 du 8 août 2016, dite loi Travail. Ce texte a par ailleurs transféré la définition des astreintes de l'article L 3121-5 à l'article L 3121-9 du Code du travail.
Pour en savoir plus : voir Mémento Social nos 29630 s.