Le montant des loyers des baux commerciaux renouvelés doit en principe correspondre à la valeur locative (C. com. art. L 145-33). Cependant, si les éléments de détermination de cette valeur locative n'ont pas subi de modification notable (pendant le cours du bail expiré), la variation du loyer du bail à renouveler ne peut pas excéder la variation de l'indice Insee du coût de la construction ; il s'agit de la règle dite du « plafonnement du loyer » (C. com. art. L 145-34, al. 1 et 2).
En cas de modification notable des éléments constitutifs de la valeur locative (C. com. art. L 145-33, 1° à 4°), ou s’il est fait exception aux règles du plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en résulte ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente (C. com. art. L 145-34, al. 4, issu de la loi 2014-626 du 18-6-2014, dite « loi Pinel »).
Quelles sont les modalités d'application de ces dispositions obligeant à étaler la hausse du loyer qui résulte du déplafonnement ?
Saisie par un juge des loyers commerciaux d'une demande d'avis portant sur cette question, la Cour de cassation pose en principe que, ce dispositif étant distinct de celui de la fixation du loyer, il revient aux parties d'établir l'échéancier des loyers qui seront exigibles durant la période au cours de laquelle s'applique l'étalement de la hausse de loyer, et non pas au juge des loyers commerciaux, dont la compétence est limitée aux contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé.
Par ailleurs, la Cour de cassation considère que l'étalement prévu par le texte s'opère annuellement par l'application d'un taux qui doit obligatoirement être égal à 10 % du loyer de l'année précédente, sauf lorsque la différence entre la valeur locative restant à atteindre et le loyer de cette année est inférieure à ce taux.
L'étalement n'étant pas d'ordre public, rappelle la Cour, les parties peuvent convenir de ne pas l'appliquer.
A noter : 1. Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal de grande instance, dit « juge des loyers commerciaux » (C. com. art. R 145-23, al. 1). Dans l'avis commenté, la Cour de cassation fait prévaloir une interprétation stricte de ces dispositions dérogatoires. Il en résulte que le juge compétent pour statuer sur un éventuel litige relatif aux modalités de l'échéancier retenu par les parties, lequel n'affecte pas la fixation du montant du loyer déplafonné à la valeur locative, est le tribunal de grande instance, juge compétent pour toutes les contestations relatives à l'application du statut des baux commerciaux (C. com. art. R 145-23, al. 2).
2. La Cour de cassation précise que l’étalement de l’augmentation du loyer déplafonné s’opère chaque année par une majoration non modulable de 10 % du loyer de l’année précédente, alors qu'en fixant un plafond d'augmentation le texte pouvait laisser penser que l’augmentation pouvait être inférieure à 10 %. Dans les faits, cette majoration pourra cependant être inférieure lorsque, par l’effet des augmentations successives effectuées chaque année, le montant du loyer du bail renouvelé aura été atteint.
3. L’article L 145-34 du Code de commerce n'étant pas au nombre des dispositions auxquelles il est impossible de déroger en application de l’article L 145-15, les parties peuvent exclure le mécanisme du lissage dès la signature du bail.
Maya VANDEVELDE
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Baux commerciaux nos 21215 s.
Voir aussi La Quotidienne du 29 mars 2018