Saisi par le tribunal de grande instance de Dieppe, la Cour de cassation a rendu un avis portant :
- sur les conditions de mise en œuvre de l’étalement de l'augmentation du loyer déplafonné prévu à l'article L 145-34, alinéa 4, du Code de commerce, issu de la loi Pinel du 18 juin 2014 ;
- ainsi que sur l’étendue des compétences du juge des loyers commerciaux dans ce domaine.
Rappelons que, par souci de protection du locataire, l’alinéa 4 de l’article L 145-34 du Code de commerce instaure une limitation annuelle de 10 % à l'augmentation du loyer découlant du déplafonnement. Cette règle s'applique aux baux conclus ou renouvelés depuis le 1er septembre 2014 et intervient :
- en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L 145-33 du Code de commerce ;
- ou en raison d'une clause relative à la durée du bail (bail conclu pour une durée supérieure à neuf ans), faisant exception aux règles de plafonnement.
En revanche, elle ne s'applique pas en cas de fixation du loyer du bail renouvelé à un montant inférieur au loyer en cours. En sont aussi exclus : les baux des locaux monovalents (C. com. art. R 145-10), des locaux à usage exclusif de bureau (C. com. art. R 145-11) et des terrains nus (C. com. art. R 145-9), qui obéissent à un régime autonome de fixation de loyer.
La Haute juridiction précise que le dernier alinéa de l'article L. 145-34 du Code de commerce n'instaure, dans les cas qu'il détermine, qu'un étalement de la hausse du loyer qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative (C. com. art. L 145-33).
Elle énonce que ces dispositions prévoient un système de lissage qui s’opère annuellement par l'application d'un taux qui doit être égal à 10 % du loyer de l'année précédente (sauf lorsque la différence entre la valeur locative restant à atteindre et le loyer de cette année est inférieure à ce taux).
Elle rappelle que ce dispositif étant distinct de celui de la fixation du loyer, il revient aux parties, et non au juge des loyers commerciaux dont la compétence est limitée aux contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, d'établir l'échéancier de l'augmentation progressive du loyer que le bailleur est en droit de percevoir.
Elle confirme, enfin, que l’étalement n'étant pas d'ordre public (Cass. 3e civ. 10-3-2004 n° 02-14.998 : RJDA 6/04 n° 681), les parties peuvent convenir de ne pas l'appliquer et d’y déroger par une stipulation du bail.
Audrey TABUTEAU
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Baux commerciaux n° 55200 s. et Mémento Gestion immobilière n° 58960 s.