Sont coupables de banqueroute les dirigeants d'une société en redressement ou en liquidation judiciaire, qui ont frauduleusement augmenté le passif de la société (C. com. art. L 654-2, 3°).
Le dirigeant de fait d'une société placée en liquidation judiciaire est poursuivi du chef de banqueroute pour avoir, entre le 28 février et le 1er septembre de la même année, augmenté frauduleusement le passif en s'abstenant de déclarer la cessation des paiements et de licencier les salariés impayés dès février, et en augmentant la dette locative de la société par la poursuite d'un contrat de bail et la location d'un nouveau local au nom de la société.
Pour juger ce délit constitué et condamner le dirigeant, une cour d’appel retient les éléments suivants : il était établi par la comptabilité que les salaires avaient cessé d'être versés au mois de février de l’année concernée, que, ce mois-là, la situation économique de la société était irrémédiablement compromise et que le personnel et le collaborateur du dirigeant étaient unanimes pour déclarer l'en avoir personnellement entretenu. Cependant, aucune démarche n'avait été décidée par lui alors que l'inspection du travail avait justifié avoir rappelé à l'employeur ses obligations ; le fait que l’intéressé n'était pas le dirigeant de droit, celui-ci étant de pure façade, était indifférent sur le fait qu'en ne donnant aucun conseil ou directive en ce sens, même par le canal de tiers, il avait directement contribué à augmenter le passif par un effet mécanique dû au seul fait que les salariés voyaient leurs créances salariales augmenter à proportion pour finalement avoisiner la somme de 350 000 €. La poursuite de la location des deux locaux concernés avait aussi directement contribué à augmenter le passif de la société.
Après avoir précisé que le juge répressif ne peut pas prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction (cf. CPP art. 593), la Cour de cassation censure la décision des juges du fond car les éléments retenus par eux ne caractérisaient pas l'existence d'un acte tendant à l'augmentation frauduleuse du passif au détriment des véritables créanciers de la société.
A noter :
1° Les illustrations de cas de banqueroute par augmentation frauduleuse du passif sont rares. A par exemple été reconnu coupable de ce délit le gérant d'une société qui, méconnaissant une décision de justice ayant autorisé la poursuite de l'activité de la société pendant trois mois pour la liquidation du stock, avait ultérieurement acheté des marchandises demeurées impayées alors qu'elles avaient ensuite été revendues (Cass. crim. 16-6-1999 n° 98-83.835 D : RJDA 8-9/99 n° 980). Dans cette affaire, les juges avaient retenu le caractère frauduleux de l'acte, l'achat de marchandises ayant été réalisé en violation d'une décision de justice.
Dans l'affaire commentée, la cour d'appel n'avait pas caractérisé la fraude, dont l'exigence est posée à l'article L 654-2, 3° du Code de commerce. En outre, le dirigeant soutenait qu'il ne pouvait pas être condamné dès lors que ne lui étaient reprochées que de simples abstentions. La Haute Juridiction, rejetant la condamnation, ne tranche cependant pas explicitement la question de savoir si le délit de banqueroute par augmentation frauduleuse du passif suppose nécessairement des actes positifs ou s'il peut être caractérisé en présence d'omissions.
2° Les personnes physiques coupables de banqueroute encourent un emprisonnement de cinq ans et une amende de 75 000 € (C. com. art. L 654-3). Elles peuvent en outre être sanctionnées d'une des peines complémentaires prévues à l'article L 654-5 du même Code (notamment, privation de droits civiques et interdiction de gérer). Les personnes morales s'exposent quant à elles à une amende de 375 000 € et aux peines énumérées à l'article 131-39 du Code pénal, notamment l'interdiction d'exercer une activité professionnelle (C. com. art. L 654-7).
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