L’acquéreur d’un fonds de commerce situé dans une copropriété et à destination de bar, pub, brasserie s’estime victime d’un dol car il n’a pas eu connaissance d’un rapport d’expertise judiciaire établi à la demande des copropriétaires faisant état de nuisances sonores provenant du fonds. Il poursuit le cédant et le propriétaire des locaux pour obtenir des dommages-intérêts.
La Cour de cassation retient l’existence d’une réticence dolosive commise par le cédant et le propriétaire des locaux qui sont condamnés solidairement à payer des dommages-intérêts à l’acquéreur. En effet :
- le propriétaire des locaux a expressément autorisé l’activité de bar, pub, brasserie ;
- l’acte de vente du fonds de commerce a été conclu moins de deux mois après que l’expertise judiciaire, à laquelle le cédant et le propriétaire ont été parties, a constaté que l’immeuble n’avait pas été conçu pour l'exercice de cette activité et que l’établissement n'était pas conforme aux normes en vigueur sur le bruit (imposant un isolement minimal entre le local d’exploitation et les autres parties de l'immeuble à usage d'habitation, ainsi qu’une limitation du bruit à la source en cas d’insuffisance de travaux d’isolement) ;
- l’installation avant la cession d’un dispositif de limitation de pression acoustique s’est révélé inefficace pour remédier aux nuisances sonores et a été remis en cause par les conclusions de l’expert lesquelles étaient de nature à conduire l’acquéreur à renoncer si elles avaient été portées à sa connaissance ;
- en mentionnant seulement dans l’acte de vente l’étude d’impact sonore réalisée deux ans auparavant et en installant un limitateur de pression acoustique inefficient pour se dispenser d’informer l’acquéreur de l’existence de l’expertise judiciaire, le cédant et le bailleur l’ont trompé.
A noter : la réticence dolosive, c'est-à-dire la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information déterminante pour l'autre partie, peut entraîner la nullité du contrat ou l'allocation de dommages-intérêts au cocontractant. Elle est sanctionnée depuis longtemps par les tribunaux et est inscrite dans le Code civil depuis la réforme du droit des obligations par l'ordonnance du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016 (C. civ. art. 1137).
Au cas particulier, l’acquéreur n’a pas demandé l’annulation de la cession pour dol mais seulement des dommages-intérêts, ce qui lui a permis de mettre en cause également le propriétaire des locaux, tiers à la cession.
Depuis le 1er octobre 2016, le dol peut émaner d’un « tiers de connivence » (C. civ. art. 1138, al. 2 nouveau). A notre avis, le propriétaire des locaux pourrait désormais dans un cas semblable être considéré comme un tiers de connivence, de sorte que l’acquéreur pourrait demander l'annulation de la cession en mettant en cause à la fois le cédant et le propriétaire.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 12253