Les juges du fond accordaient au salarié intérimaire un régime dérogatoire…
Un conseil de prud’hommes avait accueilli la demande d’un salarié intérimaire réclamant le versement d’un complément d’indemnité compensatrice de congés payés, au motif que l’employeur n’avait pas intégré dans son calcul les primes annuelles, dont la prime de treizième mois et la prime de vacances, servies par l’entreprise utilisatrice.
Il avait ainsi adopté une position conforme à l’interprétation administrative de l’article L 1251-19 du Code du travail. Ce texte précise, dans son deuxième alinéa, que le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés à laquelle a droit un salarié intérimaire pour chaque mission effectuée est calculé en fonction de la durée de la mission et ne peut pas être inférieur au dixième de la rémunération totale brute perçue par le salarié pendant la mission, à laquelle s’ajoute, aux termes de l’article D 3141-8 du Code du travail, l’indemnité de fin de mission. Soulignant son caractère dérogatoire au droit commun, l’administration a estimé que cette disposition conduit à intégrer dans la base de calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés des primes qui sont exclues de l'assiette des congés payés en droit commun, telles que, le cas échéant, treizième et quatorzième mois, prime de vacances, gratification exceptionnelle, etc. (Circ. DRT 92-14 du 28-8-1992).
…plus favorable que celui des salariés permanents
Cette interprétation permettait aux salariés intérimaires d’obtenir des indemnités compensatrices de congés payés relativement élevées par rapport aux salariés employés de façon permanente par une entreprise.
En effet, pour les salariés permanents, l’article L 3141-24 du Code du travail prévoit, dans des termes similaires au texte relatif aux salariés intérimaires, que l’indemnité de congés payés versée au salarié en congé est calculée en fonction de la rémunération brute totale perçue par celui-ci au cours de la période de référence. Il en est de même de l’indemnité compensatrice de congés payés versée au salarié empêché de prendre ses congés, par renvoi de l’article L 3141-28 du Code du travail.
Or, la Cour de cassation déduit de ces textes que la rémunération servant de base au calcul de l'indemnité est celle perçue par le salarié en contrepartie de son travail, présentant un caractère obligatoire pour l'employeur et ne rémunérant pas à la fois les périodes de travail et de congés payés. Les primes annuelles allouées globalement pour l'année, rémunérant à la fois les périodes de travail et de congés, sont en conséquence exclues du calcul de l'indemnité. Il en est ainsi par exemple des primes de treizième mois (Cass. soc. 8-6-2011 n° 09-71.056 FS-PB), des primes exceptionnelles (Cass. soc. 1-7-1998 n° 96-40.421 P) ou des primes de vacances (Cass. soc. 12-11-1987 n° 83-45.490 D). Cette solution est donc moins favorable que celle adoptée en l’espèce par le conseil de prud’hommes.
Pour mémoire : les articles L 3141-24 et L 3141-28 du Code du travail reprennent, depuis l’entrée en vigueur de la loi Travail, le 10 août 2016, les articles L 3141-22 et L 3141-26 du même Code.
La Cour de cassation aligne le régime des salariés intérimaire sur le droit commun
La Cour de cassation casse le jugement du conseil de prud’hommes. Elle juge que des primes allouées pour l’année entière, ayant pour objet de rémunérer des périodes de travail et de congés réunis, doivent être exclues de l’assiette de calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés versée par l’entreprise de travail temporaire au salarié intérimaire.
Sa décision ne surprend pas au regard de sa jurisprudence précitée relative à l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés de droit commun.
L'arrêt est d’ailleurs rendu au visa de l’article L 1251-19, mais aussi de l’article L 3141-22 (devenu L 3141-24) du Code du travail, ce qui atteste sa volonté de rapprocher les régimes applicables aux salariés intérimaires et aux autres salariés.
La note explicative publiée par le site de la Cour de cassation précise que cette solution est de nature à assurer l’égalité de traitement entre les salariés permanents de l’entreprise et les travailleurs intérimaires au regard de l’avantage considéré, qui est le droit à une indemnité compensatrice de congés payés. Placés dans une situation identique, celle de ne pas avoir été en mesure d’exercer effectivement leurs droits à congés avant la cessation du contrat, aucun élément ne permettait de justifier, avance la note, que, pour les premiers, les primes versées annuellement devaient être exclues de l’assiette de calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés, alors qu’elles auraient dû y être incluses pour les seconds.
Claire MAUGIN
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Social n° 80140