Le gérant d'une société qui s'est porté caution d'un emprunt bancaire souscrit par celle-ci et est poursuivi par la banque en exécution de son engagement après la défaillance de la société lui oppose un manquement à son obligation de mise en garde.
Il ressort des éléments suivants que la caution était avertie et que la banque n'était donc pas tenue à son égard d'un devoir de mise en garde :
la caution avait occupé pendant près de 25 ans un poste de cadre dans la fonction d'expert achats, au sein d'une grande enseigne de la distribution ;
sur son profil LinkedIn, la caution indiquait être titulaire d'une maîtrise en sciences économiques et gestion, disposer de compétences en management, « business development », « business analysis », gestion d'équipe et négociations et avoir, au titre de son expérience en qualité de responsable achats au sein de l'enseigne, piloté et arbitré différents marchés sur un plan commercial et financier et élaboré et mis en œuvre les plans d'action ;
par sa formation, son expérience professionnelle et ses compétences, la caution était apte à évaluer les risques propres à la garantie qu'elle avait apportée au projet de la société emprunteuse, société qu'elle avait créée et dont elle avait pris la direction pour exploiter une activité de restauration sous franchise.
A noter :
1° La banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur (Cass. com. 15-11-2017 n° 16-16.790 FS-PBI : RJDA 3/18 n° 270 ; Cass. com. 9-10-2019 n° 18-12.813 F-D : RJDA 1/20 n° 47). Elle ne l'est à l'égard d'une caution avertie que si elle détient des informations que celle-ci ignorait sur les revenus de l’emprunteur garanti, son patrimoine et ses facultés de remboursement prévisibles en l’état du succès escompté de l’opération (Cass. com. 20-4-2017 n° 15-16.184 F-D : RJDA 10/17 n° 664).
Le caractère averti d’une caution ne peut pas être déduit de sa seule qualité de dirigeant et associé de la société débitrice principale (Cass. com. 22-3-2016 n° 14-20.216 FS-PB : RJDA 6/16 n° 472 ; Cass. com. 20-4-2017 n° 15-16.184 F-D précité ; Cass. com. 14-3-2018 n° 16-18.867 F-D : RJDA 6/18 n° 523). La qualification de caution avertie est notamment écartée lorsque la caution est dépourvue d’expérience ou n’est pas réellement impliquée dans la gestion (Cass. com. 5-2-2013 n° 11-26.262 F-D : RJDA 5/13 n° 444 ; Cass. com. 5-5-2015 n° 14-10.834 F-D : RJDA 11/15 n° 780 ; Cass. com. 8-3-2017 n° 15-20.792 F-D : RJDA 7/17 n° 500). En revanche, elle est retenue si le dirigeant dispose des compétences nécessaires pour mesurer les risques de son engagement (Cass. com. 22-1-2020 n° 18-10.647 F-D : RJDA 7/20 n° 390).
2° L'ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021 réformant le droit des sûretés a créé l'article 2299 du Code civil, lequel prévoit que le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l'engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier. Ce texte est applicable aux cautionnements conclus à compter du 1er janvier 2022. Les faits d'espèce, datant de 2008, n'y étaient donc pas soumis.