Une agence de communication éditoriale effectue durant environ quatre ans des prestations au profit de plusieurs sociétés d’un même groupe. Celles-ci l'ayant informée de leur volonté de confier la réalisation de ces prestations à un tiers, l'agence demande l'application du préavis de six mois prévu par les conditions générales de vente, mais la relation est rompue sans respecter ce délai.
La cour d’appel de Paris juge d'abord que les parties ne peuvent pas fixer librement par avance le délai de préavis prévu par l’article L 442-6, I-5° (devenu art. L 442-1, II) du Code de commerce relatif à l’interdiction de la rupture brutale de relations commerciales établies, dont l’application est d’ordre public. Elle fixe ensuite à un mois et un mois et demi les délais de préavis qui auraient dû être respectés, compte tenu de la durée de la relation commerciale entretenue par chacune des sociétés avec l’agence.
La Cour de cassation censure cette décision (Cass. com. 28-6-2023 n° 22-17.933 F-D). Elle rappelle d’abord que rien n'empêche les parties de prévoir, par contrat, le préavis à respecter en cas de rupture de la relation, dès lors que, conformément aux dispositions d'ordre public de l'article L 442-6, I-5°, l'existence d'une stipulation contractuelle de préavis ne dispense pas le juge de vérifier que le délai de préavis contractuel tient compte de la durée de la relation commerciale ayant existé entre les parties et des autres circonstances. Elle juge ensuite que la cour d’appel ne pouvait pas fixer la durée des préavis à un mois et un mois et demi sans examiner, comme il le lui était demandé, les circonstances tenant à la spécificité des prestations invoquées par l’agence pour apprécier si la durée du préavis devait être égale ou supérieure à celle prévue contractuellement.
A noter :
La Cour de cassation a déjà jugé qu’en présence d’un préavis contractuel le juge doit seulement vérifier, s’il en est requis, si ce délai tient compte de la durée de la relation commerciale et d’autres circonstances au moment de la notification de la rupture (par exemple, Cass. com. 22-10-2013 n° 12-19.500 F-PB : RJDA 2/14 n° 174), telles que l’état de dépendance économique du partenaire évincé (Cass. com. 20-5-2014 n° 13-16.398 : RJDA 8-9/14 n° 728).
La précision suivant laquelle la durée du préavis doit être « égale ou supérieure à celle prévue contractuellement » est nouvelle. Le juge peut en effet accorder un délai plus long que le délai contractuellement prévu, si celui-ci apparaît insuffisant au regard des critères précédemment rappelés (par exemple, Cass. com. 12-5-2004 n° 01-12.865 : RJDA 11/04 n° 1191, solution incidente). Mais, et c'est ce qui résulte de la décision commentée, si le délai contractuellement prévu apparaît suffisant, voire excède les exigences requises, le juge doit alors l’appliquer. La clause de préavis s’appliquera donc si elle est plus favorable au partenaire évincé.
Par la décision de 2013 précitée, la Cour de cassation avait admis que le juge puisse se fonder sur la brièveté de la relation pour fixer le préavis nécessaire à une durée inférieure à celle du préavis contractuel. Il semble que cette solution est abandonnée. Mais, la décision commentée n'étant pas publiée au Bulletin civil, il convient d’être prudent et de ne pas ériger la solution qu'elle contient comme étant un principe de portée générale.
Documents et liens associés :
Cass. com. 28-6-2023 n° 22-17.933 F-D, Sté Angie c/ Sté Altarea France