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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Affaires/ Pratiques commerciales abusives

Rupture de relation établie : les juges du fond apprécient souverainement la durée du préavis

Lorsqu'ils fixent la durée du préavis devant être respecté pour mettre fin à une relation commerciale établie, les juges du fond n’ont pas à expliquer la raison pour laquelle ils considèrent que cette durée est suffisante au regard des critères légaux et jurisprudentiels.

Cass. com. 18-10-2023 n° 22-20.438 F-B, Sté WMG conseil et accompagnement c/ Sté BNP Paribas Factor


Par Dominique LOYER-BOUEZ
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©Gettyimages

Une société de conseil signe avec un client un premier contrat d’un an, puis un second contrat pour la même durée. Les prestations sont réalisées par le gérant de la société de conseil et deux personnes non salariées de cette dernière. A l’issue du second contrat, le client a recours aux services de ces deux personnes. Soutenant que le client a fautivement rompu leur relation commerciale établie, la société engage une action en réparation de son préjudice sur le fondement de l’article L 442-6, I-5° du Code de commerce, alors applicable (devenu art. L 442-1, II).

La Cour de cassation observe que la cour d’appel de Paris a retenu l’existence d’une relation commerciale établie et que celle-ci avait cessé à l’expiration du contrat, sans préavis ni avertissement ; elle a estimé que, compte tenu de la durée de la relation entre les deux parties, soit deux ans, de l’évolution des coûts et chiffres d’affaires constatés sur cette période, de leur importance dans le bilan de la société de conseil, la durée du préavis aurait dû être de trois mois pour permettre à cette dernière de s’organiser.

La Haute Juridiction juge qu’en statuant ainsi la cour d’appel avait légalement justifié sa décision. En effet, contrairement à ce que soutenait la société, la cour n’avait pas à expliquer davantage la raison pour laquelle la durée de trois mois permettait à la société de retrouver des débouchés, dès lors qu’elle avait apprécié le caractère suffisant du préavis en considération du seul critère légal alors applicable et des circonstances propres à la relation en cause.

A noter :

1° Pour que la rupture d’une relation commerciale établie ne soit pas considérée comme brutale, l'article L 442-6, I-5° du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2019-359 du 24 avril 2019, exige le respect d’un délai de préavis « tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ». L'appréciation de la durée de préavis nécessaire relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (par exemple, Cass. com. 21-3-2018 n° 16-17.146 F-D : RJDA 6/18 n° 536). Ceux-ci doivent prendre en compte la durée de la relation commerciale, comme l’exige le texte, ainsi que les usages du commerce ou accords interprofessionnels, s'ils sont applicables. Ils peuvent également prendre en compte d’autres circonstances, telles que l’état de dépendance du partenaire évincé (Cass. com. 6-11-2012 n° 11-24.570 F-D : RJDA 3/13 n° 263), le fait que les investissements réalisés puissent être utilisés pour d'autres activités après la rupture (Cass. com. 11-5-2017 n° 16-13.464 F-D), la configuration du marché, permettant au partenaire évincé de disposer ou non d'une solution techniquement et économiquement équivalente (Cass. com. 10-11-2021 n° 20-13.385 F-D). De manière générale, les juges tiennent compte du temps nécessaire pour permettre à la victime de « se réorganiser » ou « se reconvertir » (par exemple, Cass. com. 25-3-2014 n° 13-14.215 F-D : RJDA 7/14 n° 675).

Dès lors que les juges tiennent compte des critères légaux et jurisprudentiels précités, leur appréciation de la durée du préavis suffisant est souveraine. Dans cette affaire, l'emploi par la Cour de cassation du terme « estimé » pour rappeler la décision de la cour d'appel fait référence à ce pouvoir souverain, qui exclut un contrôle par la Cour suprême du bien ou mal-fondé de la décision adoptée si, du moins, elle est motivée.

2° La solution est transposable à l’article L 442-1, II du Code de commerce, issu de l’ordonnance 2019-359 précitée. A noter que celui-ci prévoit que la durée du préavis doit tenir compte « notamment » de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. L’adverbe « notamment » vise les autres circonstances, déjà admises par la Cour de cassation.  

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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