Un créancier professionnel ne peut pas se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation (C. consom. art. L 332-1 ; ex-art. L 341-4).
La compagne du dirigeant d’une société se porte caution, à hauteur de 480 000 €, des dettes de celle-ci à l’égard d’une banque. Poursuivie en exécution de cet engagement après la mise en liquidation judiciaire de la société, la caution invoque le texte précité. Une cour d’appel de Grenoble considère que la caution ne peut pas en bénéficier, son engagement n’étant pas disproportionné et la condamne à payer 120 000 € à la banque.
La caution fait alors valoir que, faute de l’avoir interrogée directement sur sa situation patrimoniale lors de la souscription du cautionnement, la banque ne peut pas ensuite lui reprocher de ne pas faire la preuve du caractère disproportionné de son engagement.
La Cour de cassation écarte l’argument : l’article L 332-1 du Code de la consommation n’impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement. C’est à la caution qui invoque ce texte de prouver que son cautionnement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
La caution soutient par ailleurs que la cour d’appel ne pouvait pas exclure la disproportion du cautionnement en se fondant sur la seule fiche de renseignement remplie par son concubin.
Cet argument est lui aussi écarté. La caution n’avait produit aucun document relatif à sa situation patrimoniale lors de la souscription du cautionnement. Appréciant souverainement les pièces produites, la cour d’appel a retenu l’existence des biens et des revenus de la caution au jour de son engagement en se fondant sur la fiche de renseignement remplie par le concubin de celle-ci et en a déduit que le cautionnement n’était pas manifestement disproportionné.
A noter : le cautionnement consenti par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution (Cass. com. 14-12-2010 n° 09-69.807 F-PB : RJDA 4/11 n° 348). Le créancier a le devoir de s’enquérir de la situation patrimoniale de la caution mais il est en droit de se fier aux informations qui lui sont fournies et n’est pas tenu de les vérifier en l’absence d’anomalie apparente (notamment, Cass. com. 20-4-2017 n° 15-16.184 F-D : BRDA 12/17 inf. 19).
La charge de prouver la disproportion manifeste du cautionnement à la date de sa conclusion pèse sur la caution (notamment, Cass. 1e civ. 12-11-2015 no 14-21.725 F-PB : Bull. civ. I n° 276 ; Cass. com. 22-2-2017 no 15-17.739 F-D : RJDA 6/17 n° 433). Elle doit établir la valeur et la consistance de son patrimoine (cf. Cass. 1e civ. 12-11-2015 précité), par exemple en produisant ses avis d’imposition (CA Paris 1-6-2007 n° 05-22456 : RJDA 12/07 n° 1280). Si la caution ne produit aucune pièce, le juge peut fonder son appréciation sur la fiche de renseignement remise à la banque (Cass. 1e civ. 12-11-2015 précité), peu important qu’elle n’ait pas été remplie par la caution elle-même dès lors qu’elle en a accepté le contenu en la signant (Cass. com. 14-12-2010 n° 09-69.807 F-PB : RJDA 4/11 n° 348).
Lorsque la disproportion est établie, c’est à l'inverse au créancier de démontrer que le patrimoine de la caution lui permet néanmoins de faire face à son obligation au moment où elle est appelée à exécuter son engagement (Cass. 1e civ. 10-9-2014 no 12-28.977 F-PB : Bull. civ. I no 141 ; Cass. com. 1-3-2016 n° 14-16.402 FS-PB : BRDA 6/16 inf. 13).
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 55100