Un créancier professionnel ne peut pas se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation (C. consom. art. L 332-1 et L 343-4 ; ex-art. L 341-4).
Le gérant d’une société se rend caution des engagements de celle-ci au titre d’un crédit-bail immobilier. Après la mise en liquidation judiciaire de la société, le liquidateur résilie le contrat et le crédit-bailleur poursuit en paiement la caution, qui invoque la disproportion de son engagement. Elle fait valoir que, pour apprécier le caractère disproportionné du cautionnement, les juges ne peuvent pas prendre en considération ses revenus dès lors que ceux-ci proviennent exclusivement de l’activité de la société cautionnée, dont la défaillance est de nature à provoquer tout à la fois la mise en œuvre du cautionnement et la perte de ces revenus. Ce raisonnement n’est pas retenu par la Cour de cassation, qui condamne la caution à payer le crédit-bailleur. En effet, si les revenus escomptés de l’opération garantie ne peuvent pas être pris en considération pour apprécier la disproportion du cautionnement au moment où il a été souscrit, il doit, en revanche, être tenu compte des revenus réguliersperçus par la caution jusqu’à la date de son engagement, quand bien même ceux-ci proviendraient de la société dont les engagements sont garantis par le cautionnement.
A noter : après avoir rappelé qu’il ne faut pas, pour apprécier la disproportion d’un cautionnement au moment de sa souscription, tenir compte des revenus escomptés de l’opération garantie (Cass. 1e civ. 3-6-2015 no 14-13.126 : RJDA 8-9/15 no 602 ; Cass. com. 22-9-2015 no 14-22.913, 1e espèce : RJDA 2/16 no 148), la Cour suprême précise pour la première fois dans l’arrêt ci-dessus qu’il faut prendre en considération les revenus réguliers perçus par le gérant de la société cautionnée, même s’ils proviennent exclusivement de l’activité de la société. Il est vrai que la solution contraire aurait abouti à la décharge de la plupart des dirigeants ayant cautionné les engagements de leur société… Seuls doivent être pris en compte les revenus contemporains à la souscription du cautionnement (Cass. com. 8-3-2017 no 15-20.792 F-D : RJDA 7/17 no 500). Encore faut-il qu’ils soient réguliers ; ainsi, un revenu exceptionnel (par exemple provenant de la vente d’un bien) ne doit pas être pris en considération.
Sophie CLAUDE-FENDT
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 55100