Le remboursement d’un prêt bancaire consenti à une société est garanti par l'un de ses fournisseurs ; ce dernier obtient d'un associé de la société qu'il se porte caution à son égard à hauteur de 48 300 €. La société ayant cessé de rembourser le prêt, le fournisseur règle la banque puis se retourne contre l’associé. Ce dernier demande alors à être déchargé de son engagement en raison de la disproportion de son cautionnement à ses biens et revenus.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence rejette la demande de l’associé. Même si le cautionnement représente deux années et demie de revenus professionnels de l’associé, il n’est pas manifestement disproportionné aux biens et revenus de celui-ci, estime-t-elle, dès lors que son épouse, séparée de biens, perçoit un revenu fixe et est propriétaire d’un bien immobilier, ce qui lui permet de contribuer dans de larges proportions à la subsistance de la famille et d’assurer son logement.
La Cour de cassation censure cette décision. En effet, la disproportion éventuelle de l’engagement d’une caution mariée sous le régime de la séparation des biens s’apprécie au regard de ses seuls biens et revenus personnels. La cour d’appel ne pouvait donc pas déduire que l’engagement de la caution était proportionné à ses biens et revenus du fait que son conjoint séparé de biens était en mesure de contribuer de manière substantielle aux charges de la vie courante.
A noter : 1. Un créancier professionnel ne peut pas se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation (C. consom. art. L 332-1 et L 343-4 ; ex-art. L 341-4).
La disproportion d’un cautionnement souscrit par un époux s’apprécie différemment selon le régime matrimonial de celui-ci.
Lorsque le cautionnement a été consenti par un époux marié sous le régime de la communauté de biens, la proportionnalité d’un tel engagement s’apprécie au regard du patrimoine propre de l’époux souscripteur mais aussi des biens communs aux époux (Cass. com. 15-11-2017 n° 16-10.504 F-PBI : BRDA 23/17 inf. 10 n° 6).
Si la caution est mariée sous le régime de la séparation de biens, ne sont pris en compte, a jugé la première chambre civile de la Cour de cassation, que le patrimoine et les revenus de celle-ci (Cass. 1e civ. 25-11-2015 n° 14-24.800 F-D : Gaz. Pal. 12-4-2016 jur. p. 32 note S. Piédelièvre). La chambre commerciale retient la même solution au visa de l’article 1536 du Code civil. En vertu de ce texte, chacun des époux séparés de biens reste seul tenu des dettes nées de son chef avant ou durant le mariage, sauf pour les dettes liées à l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, pour lesquelles les époux sont solidaires. Si les époux séparés de biens détiennent un bien en indivision, la seule fraction des droits indivis détenus par l’époux qui souscrit le cautionnement doit être prise en considération.
2. Ces principes s'appliquent également au cautionnement garantissant le remboursement d'un crédit soumis à la réglementation du crédit immobilier ou à la consommation, l'article L 313-24 du Code de la consommation sanctionnant la disproportion de l'engagement dans les mêmes termes que les articles L 332-1 et L 343-4.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Concurrence consommation n° 14427