La cession d'un bail commercial est conclue sous la condition suspensive que le cessionnaire signe un nouveau bail avec le bailleur avant une date déterminée. Les pourparlers entre ces derniers n’aboutissant pas à l’expiration de ce délai, le cessionnaire invoque la caducité de la cession. Le cédant en demande au contraire l’exécution forcée, soutenant que la condition suspensive est illicite, si bien que sa non-réalisation est sans influence sur la conclusion de la cession.
La cour d’appel de Nîmes écarte cette demande et refuse de supprimer la clause contestée au motif que le juge ne peut pas modifier la loi des parties en appréciant la cohérence du contrat.
La Cour de cassation censure cette décision : la clause qui prévoit une condition portant sur un élément essentiel à la formation du contrat doit être réputée non écrite.
à noter : La Cour de cassation s’est prononcée sur le fondement de l’article 1168 du Code civil (définissant la condition suspensive ou résolutoire) et non au regard des dispositions régissant les baux commerciaux, ce qui confère à sa décision une portée générale.
La condition, telle qu’envisagée par l’article 1168, n’est qu’une modalité du contrat (J. Taisne, J.-Cl. civ. art. 1168 à 1174 nos 65 s.). Elle ne doit pas être confondue avec les éléments nécessaires à la formation du contrat, définis par l'article 1108 du Code civil (consentement et capacité des parties, existence d’un objet et d’une cause au contrat) et ne peut pas être choisie parmi eux. Le raisonnement vaut aussi lorsque la loi prescrit, à peine de nullité du contrat, l’autorisation préalable d’une administration : l’obtention de celle-ci n’est pas une modalité de l’accord des parties mais un élément légal de validité du contrat (Cass. 3e civ. 18-6-1974 n° 73-13.324 : Bull. civ. III n° 256).
La clause ici condamnée est fréquente. Elle permet au cessionnaire (ou au bénéficiaire d’une promesse de cession de bail) de ne conclure la cession qu’avec la certitude d’obtenir un nouveau bail aux conditions qu’il souhaite et d’éviter, dans certains cas, tout risque de déplafonnement du loyer et de refus de renouvellement à l’expiration du bail cédé. Néanmoins, elle contredit intrinsèquement l’existence d’une cession puisqu’il ne s’agit plus d’obtenir le transfert d’un bail en cours mais la conclusion d’un nouveau bail.
En pratique, que peuvent prévoir les parties ?
Le cessionnaire a la possibilité de demander au cédant qu'il se porte-fort de la conclusion d’un nouveau bail (C. civ. art. 1120 ; Cass. 1e civ. 16-4-2015 n° 14-13.694 : RJDA 7/15 n° 778). Par ailleurs, la cession du bail peut être conclue sous la condition suspensive que le bailleur accepte d'entrer en pourparlers avec le cessionnaire en vue de la conclusion d'un nouveau bail.