L’acte portant cession des parts d’une société prévoit, au profit du cédant, un complément de prix dont le paiement dépend de l’issue d’une procédure engagée par l’Autorité de la concurrence contre la société mère de celle dont les parts sont cédées. Aux termes de l’acte, le complément de prix doit être payé dans les trente jours de la signification d’une décision de justice définitive ayant autorité de la chose jugée fixant le montant de l’amende due ; le complément de prix doit être ajusté si l’amende effectivement payée après la détermination ou le paiement du complément de prix est finalement inférieure au montant pris en compte pour calculer ce dernier. La sanction prononcée par l’Autorité de la concurrence contre la société mère est réduite par la cour d’appel de Paris mais cette décision fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
C’est en vain que le cédant réclame alors le complément de prix. En effet, il résulte des termes ambigus de l’acte de cession que l'exigibilité de ce complément était subordonnée à l'intervention d'une décision de justice irrévocable. En effet, la mention « décision de justice définitive » confortait l'intention des parties d'attendre une issue définitive à la procédure judiciaire ; la clause relative à la réserve d'ajustement avait été prévue pour corriger les effets de la fixation et du paiement d'un complément de prix avant l'intervention d'une décision irrévocable sur le montant de la sanction.
A noter : 1. Une décision de justice sur le fond, c’est-à-dire qui tranche tout ou partie de la contestation, a autorité de chose jugée dès son prononcé (CPC art. 480). Les praticiens de la procédure civile parlent de décision définitive, par opposition à un jugement avant dire droit, car elle dessaisit le juge de la contestation qu'elle tranche (CPC art. 481). Toutefois, cette décision devient irrévocable seulement lorsqu’elle n’est plus susceptible d’aucune voie de recours, acquérant alors force de chose jugée (art. 500).
La « décision de justice définitive ayant autorité de la chose jugée », à laquelle se référait l’acte de cession, était-elle une décision simplement définitive ou une décision irrévocable ? Dans la première hypothèse, soutenue par le cédant, le complément de prix était exigible dès le prononcé de l’arrêt de la cour d’appel de Paris. Dans la seconde hypothèse, défendue par l’acquéreur, le complément de prix devenait exigible, compte tenu de l’instance en cours devant la Cour de cassation, seulement après que cette dernière et, le cas échéant, la cour d’appel de renvoi ont statué. C’est cette dernière hypothèse qui a prévalu, après interprétation de la volonté des parties. Elles avaient donc envisagé le terme « définitif » comme un synonyme d'irrévocable.
Conseil : pour éviter tout litige, les rédacteurs des actes de cession doivent éviter d'utiliser les termes « décision définitive » mais parler, selon l'effet voulu, de « première décision au fond » ou de « décision irrévocable, c'est-à-dire ne pouvant plus faire l'objet d'aucun recours ».
2. Dans une affaire similaire où l'acte de cession stipulait que le prix serait révisé, s'agissant de procès en cours, en fonction des décisions définitives à intervenir et où, après condamnation définitive de la société cédée, celle-ci avait conclu avec l’autre partie au procès une transaction réduisant le montant des sommes dues à cette dernière, jugé que le cédant ne pouvait pas demander la révision à la hausse du prix sur le fondement de cette transaction dès lors que les clauses claires et précises de l'acte de cession n'avaient pas envisagé le recours à ce procédé (Cass. com. 31-5-2005 n° 820 F-D : RJDA 1/06 n° 33, 1e espèce).
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Cessions de parts et actions n° 45067