Le vendeur d’une chaudière installée sur une centrale exploitée par une société procède à des réparations mais une expertise révèle que les nouvelles fuites constatées sont imputables aux soudures effectuées par lui. La société demande la résolution du contrat et le paiement de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices matériels et de ses pertes d’exploitation ; le vendeur demande alors l’application de la clause limitative de réparation prévue au contrat.
Une cour d’appel condamne le vendeur à payer à la société des dommages-intérêts sans appliquer la clause limitative au motif que la résolution de la vente emporte anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur.
Arrêt censuré par la Cour de cassation : en cas de résolution d’un contrat pour inexécution, les clauses limitatives de réparation des conséquences de cette inexécution demeurent applicables.
A noter : 1. Revirement de jurisprudence : La Cour de cassation avait auparavant jugé que, la résolution de la vente emportant anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur, il n'y avait pas lieu d'appliquer les clauses régissant les conditions et les conséquences de la résiliation (Cass. com. 3-5-2012 n° 11-17.779 FS-PB : RJDA 1/13 n° 8) et, notamment, les clauses limitatives de responsabilité (Cass. com. 5-10-2010 n° 08-11.630 F-D). De façon générale, elle n’admettait, en cas de résolution, de caducité ou de nullité du contrat, que la survie des clauses de règlement des différends – notamment, la clause attributive de compétence (Cass. 1e civ. 15-4-2015 n° 14-11.572 F-D : RJDA 8-9/15 n° 619 ; Cass. com. 5-7-2017 n° 15-21.894 F-D : BRDA 18/17 inf. 13) ou la clause d’arbitrage (Cass. 2e civ. 20-3-2003 n° 01-02.253 P-B : RJDA 10/03 n° 1030) – au motif qu’elles sont autonomes par rapport au contrat dans lequel elles sont insérées.
Depuis la réforme du droit des contrats issue de l’ordonnance du 10 février 2016, le nouvel article 1230 du Code civil prévoit que la résolution n’affecte ni les clauses relatives au règlement des différends ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence. Dès lors qu’une clause limitative de réparation a pour finalité de régler un effet du contrat postérieur à la résolution, à savoir le montant de la réparation due, on peut penser que le revirement de jurisprudence ici opéré par la Cour de cassation s’est fait à la lumière de ces nouvelles dispositions et que la solution est transposable.
2. Bien que la Cour suprême évoque la « clause limitative de réparation », pouvant être définie comme la clause qui a pour objet de limiter par avance à une somme ou à un taux déterminé le montant des dommages-intérêts, la solution concerne également, plus largement, la « clause limitativede responsabilité » qui peut ne pas se borner à fixer le montant de la réparation mais aussi modifier les conditions de la responsabilité.
3. Même si la clause pénale est différente de la clause limitative de responsabilité en ce qu’elle évalue forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée (Cass. com. 18-12-2007 n° 04-16.069 FS-PB : RJDA 4/08 n° 371), la solution de l’arrêt ci-dessus devrait lui être aussi applicable (déjà en ce sens, en cas de caducité du contrat, Cass. com. 22-3-2011 n° 09-16.660 P-B : D. 2011 p. 2179 et, en cas de résolution, Cass. 3e civ. 15-2-2005 n° 04-11.223 F-D : RJDA 8-9/05 n° 934).
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial nos 15618 et 16100
Sophie CLAUDE-FENDT