Une banque adresse à des emprunteurs qui ont cessé de rembourser le prêt qu'elle leur a consenti une lettre recommandée AR les mettant en demeure de lui payer la somme restant due, avec les intérêts conventionnels à compter d’une certaine date. Cette lettre est retournée à l’expéditeur avec la mention « Non réclamé ». Poursuivis en paiement, les empruteurs soutiennent que la mise en demeure n’est pas valide puisqu’ils ne l’ont pas réceptionnée, une notification par lettre RAR étant reçue à la date apposée par La Poste lors de sa remise au destinataire et cette notification étant faite à personne lorsque l’avis de réception est signé par ce destinataire (CPC art. 669 et 670).
Arguments rejetés par la Cour de cassation. La mise en demeure que le créancier doit adresser au débiteur en application de l’article 1146 du Code civil (devenu art. 1231) n’étant pas de nature contentieuse, les dispositions des articles 665 à 670-3 du Code de procédure civile ne sont pas applicables et le défaut de réception effective par le débiteur de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n'affecte pas sa validité.
Par suite, les emprunteurs ont été condamnés à payer la somme due à la banque, avec intérêts à compter de la date fixée par la mise en demeure.
A noter : C'est la première fois, à notre connaissance que la Cour de cassation retient cette solution qui, rendue sous l’empire des textes antérieurs à la réforme du Code civil par l’ordonnance du 10 février 2016, est transposable au régime actuel.
A moins que l'inexécution d’un contrat ne soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable (C. civ. art. 1231 ; ex-art. 1146).
Le débiteur est mis en demeure de payer soit par une sommation (d’huissier) ou un acte portant interpellation suffisante, soit, si le contrat le prévoit, par la seule exigibilité de l'obligation (C. civ. art. 1344 ; ex-art. 1139). Une lettre RAR peut valoir mise en demeure, dès lors qu’elle porte une interpellation suffisante (Cass. com. 17-12-1996 n° 94-20.568 D : RJDA 4/97 n° 551), c’est-à-dire qu’elle explicite clairement la nature, la cause et l'étendue de l’obligation et qu’elle indique au débiteur que, faute de remplir cette obligation avant un certain délai, il s’expose à une procédure judiciaire.
L’utilisation de la lettre recommandée comme mode de mise en demeure précontentieuse aurait été rendue inopérante si la Cour de cassation lui avait appliqué les règles prévues pour la notification des actes de procédure. En effet, dans cette hypothèse, il suffit au débiteur de refuser de réceptionner la lettre pour en neutraliser les effets.
Or, les effets de la mise en demeure précontentieuse sont nombreux. Outre qu’elle permet de réclamer des dommages et intérêts, elle fait courir les intérêts de retard (C. civ. art. 1344-1). Elle est aussi nécessaire pour obtenir la déchéance du terme d’un prêt si le contrat n’a pas dispensé le créancier de cette formalité (Cass. 1e civ. 3-6-2015 n° 14-15.655 FS-PB : RJDA 8-9/15 n° 596). Par ailleurs, la mise en demeure de délivrer une chose met les risques à la charge du débiteur, s'ils n'y sont pas déjà (C. civ. art. 1344-2) Enfin, sauf en cas d'urgence, le créancier ne peut pas mettre unilatéralement fin au contrat sans avoir préalablement mis en demeure le débiteur défaillant de s'exécuter (C. civ. art. 1226, al. 1).
Une lettre simple peut aussi constituer une mise en demeure valable si elle porte une interpellation suffisante. Il est toutefois préférable pour le créancier de choisir la lettre recommandée car elle lui permet de se ménager la preuve de son envoi, grâce au récépissé de La Poste. Une lettre recommandée sans accusé de réception sera suffisante puisque sa réception effective par le débiteur est sans incidence sur la validité de la mise en demeure. Toutefois, l’accusé de réception aidera le créancier à évaluer les chances du recouvrement, le refus du débiteur de prendre connaissance de la mise en demeure risquant d’augurer une procédure plus compliquée que dans le cas inverse.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n°144189
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