Un club de rugby professionnel conclut avec un équipementier un contrat pour une durée de trois saisons sportives. Une clause du contrat précise que l’équipementier peut résilier le contrat si le club change de marque d’équipements sportifs avant le terme du contrat et que l’équipementier a alors le droit de réclamer une pénalité maximum de 450 000 HT. Le club résilie le contrat à l’issue de la première saison. Il fait valoir que la clause précitée est une clause de dédit qui lui permet de rompre le contrat de manière anticipée.
La Cour de cassation juge au contraire que la clause ne s’analyse pas en une clause de dédit permettant au club de dénoncer le contrat moyennant le versement de 450 000 € mais en une clause pénale compte tenu des éléments suivants : elle était insérée dans un article relatif à la résiliation anticipée du contrat à l’initiative de l’équipementier ; la somme prévue en cas de changement d’équipementier par le club était suffisamment élevée pour montrer que les parties avaient entendu lui conférer un caractère comminatoire permettant de dissuader le club de rompre les relations contractuelles avant leur terme ; la clause stipulait expressément que la somme était due à titre de « pénalité » ; elle avait donc pour objet de contraindre le club à exécuter le contrat jusqu’à son terme et d’évaluer de manière forfaitaire le préjudice subi par l’équimentier.
Par suite, le club a été condamné à verser à l'équipementier, outre 450 000 € HT en application de la clause pénale, 733 000 € TTC au titre des sanctions contractuelles pour non-exécution de ses obligations de promotion de la marque de l'équipementier et près de 500 000 € TTC en indemnisation des pertes de marges commerciales subies par celui-ci.
A noter : 1. En vertu des anciens articles 1226 et 1152, al. 1 du Code civil, applicables en l’espèce, la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l’exécution d’une convention, s’engage à quelque chose en cas d’inexécution, le plus souvent à payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts. Pour retenir la qualification de clause pénale, les tribunaux contrôlent donc si la clause litigieuse tend à forcer à l’exécution du contrat (caractère comminatoire) ou en sanctionne l’inexécution par une évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice résultant de l’inexécution (caractère indemnitaire).
La clause de dédit n’a pas la même fonction : elle permet à l'une ou l'autre des parties de se soustraire à l'exécution du contrat, moyennant une compensation conventionnellement fixée : en optant pour cette faculté, celui qui se libère du contrat ne commet pas de faute mais exerce seulement un droit.
En pratique, la distinction peut être délicate. Par exemple, constitue une clause pénale la clause d’un contrat de prestation de services d'une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction, en vertu de laquelle le client s'engage à verser au prestataire, en cas de résiliation anticipée du contrat pour une autre cause qu'un manquement du prestataire à une obligation contractuelle essentielle, l'intégralité du prix qu'il aurait dû payer jusqu'au terme de la durée du contrat ainsi que tous les coûts supportés par le prestataire du fait de cette résiliation : elle ne confère pas au client une faculté unilatérale de résiliation anticipée du contrat mais elle est stipulée pour contraindre le client à l'exécution du contrat jusqu'à son terme et évaluer forfaitairement le préjudice subi par le prestataire (Cass. com. 10-3-2015 n° 13-27.993 F-D : BRDA 6/15 inf. 18). En revanche, est une clause de dédit celle d’un contrat de prestation de services conclu pour neuf ans, prévoyant, en cas de résiliation anticipée provoquée par le cocontractant du prestataire, une indemnité forfaitaire et définitive d'un montant déterminé variant selon la date à laquelle la rupture intervient (Cass. com. 14-10-1997 n° 95-11.448 P : RJDA 1/98 n° 14).
Contrairement à la clause pénale, la clause de dédit ne peut pas être modulée par le juge. Mais, ainsi que l'illustre l'affaire commentée, la clause de dédit a pour avantage de représenter le prix dû par la partie qui met fin au contrat ; lorsque la qualification de clause pénale est retenue, cette partie n'est pas exonérée de l'obligation de réparer l'entier préjudice causé au cocontractant du fait de la rupture anticipée du contrat.
2. La réforme du droit des contrats, issue de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, n’a pas repris l’ancien article 1226 du Code civil qui affirmait la fonction comminatoire de la clause pénale. N’est plus expressément affirmé que son caractère indemnitaire (C. civ. art. 1231-5, al. 1 nouveau, reprenant les termes de l’ancien article 1152, al. 1). Il ne nous semble pas que cette modification a une incidence sur la qualification de la clause litigieuse, dont le caractère indemnitaire est affirmé.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial nos 11965 et 15259