Le dirigeant d'une société en liquidation judiciaire peut être condamné à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif de cette société s'il a commis une faute de gestion y ayant contribué ; en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant est écartée (C. com. art. L 651-2).
A la suite de la rupture brutale de ses relations commerciales avec son client unique, une société bénéficiant d'une procédure de sauvegarde est mise en liquidation judiciaire. Son dirigeant est alors poursuivi par le liquidateur en responsabilité pour insuffisance d'actif.
La Cour de cassation écarte la responsabilité du dirigeant. Le fait pour ce dernier d'avoir engagé la société dans une activité reposant sur un client unique, lequel lui avait imposé des investissements pour adapter la capacité de production de la société à ses demandes, dans un secteur et à une période où le dirigeant pouvait légitimement croire à l'expansion de la société, et avait par la suite rompu brutalement leurs relations commerciales, révèle seulement un manque de vigilance du dirigeant et ne permet pas d'établir qu'il aurait commis une faute de gestion non susceptible d'être analysée en une simple négligence.
A noter :
La question de savoir si un comportement constitue une faute de gestion ou une simple négligence dépend des circonstances propres à chaque espèce. En témoignent deux affaires récentes où un dirigeant avait omis de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal. Dans la première, il a été jugé que le dirigeant avait commis une faute de gestion et devait être condamné à combler le passif dès lors qu'il avait connaissance de l'endettement de la société (Cass. com. 5-2-2020 n° 18-15.072 F-D : RJDA 5/20 n° 284). Dans la seconde, le dirigeant a été exonéré du paiement de l'insuffisance d'actif pour n'avoir commis qu'une simple négligence, alors même qu'il savait les difficultés financières de la société (Cass. com. 3-2-2021 n° 19-20.004 F-P : RJDA 5/21 n° 333). Les démarches qu'il avait entreprises pour apurer les dettes avaient joué en sa faveur.
Dans l'affaire commentée, la cour d’appel avait retenu la faute de gestion du dirigeant car il avait manqué de vigilance en engageant la société dans une activité reposant sur un client unique sans trouver le moyen de garantir la pérennité de leurs relations commerciales. La Cour de cassation censure cette décision : un manque de vigilance ne suffisait pas à caractériser la faute de gestion et ne permettait pas d'exclure la simple négligence. Ce faisant, la Haute Juridiction tient compte de la réalité des relations d'affaires, qui peut contraindre une entreprise à se placer dans une situation de dépendance économique à l'égard d'un client et à répondre aux exigences de ce dernier, quitte à sacrifier ses relations avec d’autres partenaires ou à renoncer à développer autrement son activité.