Les passagers au départ d'un aéroport situé sur le territoire d'un Etat membre (ou à destination d’un tel aéroport pour un vol réalisé par un transporteur communautaire) doivent être indemnisés par le transporteur aérien effectif en cas d’annulation d’un vol, sauf, notamment, si le transporteur prouve que celle-ci est due à des circonstances extraordinaires qui n'auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises (Règl. CE 261/2004 du 11-2-2004 art. 5, 3).
A l’automne 2016, une forte proportion du personnel d’une compagnie aérienne allemande se met en arrêt maladie après l’annonce d’un plan de restructuration de l'entreprise, ce qui entraîne l’annulation de nombreux vols au départ de l’Allemagne puis la paralysie du trafic de la compagnie jusqu’à ce qu’elle trouve un accord avec les représentants du personnel. La compagnie refuse d’indemniser les passagers des vols annulés, estimant que ces annulations résultent de circonstances extraordinaires constituées par la « grève sauvage » du personnel et l’appel au boycott lancé par les membres du personnel eux-mêmes.
La Cour de justice de l’Union européenne rejette cette analyse : l’absence spontanée d’une partie importante du personnel navigant (« grève sauvage »), qui trouve son origine dans l’annonce surprise par un transporteur aérien effectif d’une restructuration de l’entreprise, à la suite d’un appel relayé, non pas par les représentants des travailleurs de l’entreprise, mais spontanément par les travailleurs eux-mêmes, qui se sont placés en situation de congé de maladie, ne relève pas de la notion de « circonstances extraordinaires » au sens du texte précité.
A noter : cette décision marque un renforcement des droits des passagers aériens.
Peuvent être qualifiés de circonstances extraordinaires, au sens de l’article 5, 3 du règlement 261/2004, les événements qui, par leur nature ou leur origine, ne sont pas inhérents à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappent à la maîtrise effective de celui-ci (notamment CJUE 4-5-2017 aff. 315/15). Le règlement 261/2004 précise certes qu’une grève ayant une incidence sur les opérations d'un transporteur aérien peut constituer un cas extraordinaire exonératoire (considérant 14). Mais la grève doit répondre aux conditions précitées, qui sont cumulatives.
Tel n’était pas le cas en l’espèce. Les restructurations et réorganisations d’entreprises font partie, relève la Cour, des mesures normales de gestion de celles-ci et les transporteurs aériens peuvent être, de manière ordinaire, confrontés à des désaccords, voire à des conflits, avec tout ou partie de leur personnel ; les risques résultant des conséquences sociales qui accompagnent de telles mesures doivent être considérés comme inhérents à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné. Il résulte de cette décision qu’aucun mouvement social fondé sur une mesure de gestion n’est exonératoire pour le transporteur.
Par ailleurs, estime la Cour, la grève n’échappait pas à la maîtrise effective du transporteur car, malgré son ampleur, elle avait cessé dès la conclusion d’un accord entre ce dernier et les représentants du personnel.
Enfin, le fait que cette grève devait être qualifiée de « sauvage » (et donc d'illégale) au regard du droit allemand, faute d’avoir été initiée par un syndicat, est sans incidence sur l’appréciation de la notion de circonstances extraordinaires. Admettre le contraire aurait fait dépendre le droit à indemnisation des passagers du droit national de chaque Etat membre, ce qui aurait porté atteinte aux objectifs du règlement 261/2004 de garantir un niveau élevé de protection des passagers, ainsi que des conditions équivalentes d’exercice des activités de transporteur aérien sur le territoire de l’Union européenne.
Sur cet arrêt : voir déjà La Quotidienne du 27 avril 2018