Parmi les obligations des entreprises liées aux effets du changement climatique sont prévues quelques taxes, et notamment la TIRUERT (taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans le transport) due par les opérateurs qui mettent à la consommation des carburants contenant une proportion d’énergie renouvelable inférieure à un objectif d’incorporation.
Afin de respecter leurs obligations fiscales, les entités redevables (dépôts pétroliers, distributeurs des produits pétroliers à usage de carburant et combustible…) sont tenues d’incorporer des substances végétales « bio » dans leur production de carburants.
La CNCC a été interrogée sur le traitement comptable, à la clôture des comptes annuels, du stock de biocarburant acquis dans le cadre de cette obligation fiscale.
Le stock de biocarburant comporte deux composantes…
Pour remplir leurs obligations, les entreprises peuvent soit intégrer physiquement du biocarburant à leurs produits finis, soit acheter des « certificats bio ». Dans ce dernier cas, les certificats peuvent être acquis :
soit avec le biocarburant. L’achat du biocarburant est en effet assorti d’un « certificat » préalablement validé par l’administration des douanes ;
soit sans le biocarburant, directement sur le marché auprès d’autres pétroliers.
Exemple :
Cas sur lequel la CNCC a été interrogée Afin de couvrir son déficit d’incorporation de 700 m3 de substance végétale au titre de l’exercice N, une société soumise à l’obligation TIRUERT a acquis 1 000 m3 de biocarburant, dont elle a immédiatement détaché et consommé les certificats nécessaires pour remplir son obligation (l’équivalent de 700 m3). Ainsi, à la clôture de l’exercice N, elle dispose :
– de 300 m3 de substance végétale assortis des certificats bio correspondants ;
– de 700 m3 de substance végétale dépourvus des certificats bio, ceux-ci ayant été utilisés pour remplir l’obligation N.
… acquises conjointement
La CNCC constate que le biocarburant est composé de deux actifs séparés, dont l’utilisation peut être distincte et qu’il convient de comptabiliser séparément (PCG art. 213-7) :
d’une part, la substance végétale, qui est une matière première qui sera consommée dans la production du carburant mélangé ;
et, d’autre part, les « certificats bio » attachés à cette substance, qui permettent de remplir l’obligation légale d’incorporation.
Selon la CNCC, les certificats bio constituent, par analogie avec les certificats d’économies d’énergie ou CEE (PCG art. 616-9), une fourniture de nature « administrative » comptabilisée dans des comptes de stocks et détenue :
soit pour se conformer aux exigences de la réglementation (modèle économique « Économie d’énergie ») ;
soit pour être revendue (modèle économique « Négoce »).
À l’acquisition du biocarburant, le prix est ventilé entre le stock de substance végétale et le stock des certificats bio
Selon le PCG (art. 213-7), lorsque des biens sont acquis conjointement pour un coût global d'acquisition, le coût d'entrée de chacun des biens est ventilé à proportion de la valeur attribuable à chacun d'eux. À défaut de pouvoir évaluer directement chacun d'eux :
le coût d'un (ou plusieurs) actif(s) acquis est évalué par référence à un prix de marché ou forfaitairement ;
puis le coût des autres actifs s'établit par différence entre le coût d'entrée global et le coût déjà attribué.
Au cas présent, en l’absence de précision sur le bon de commande ou la facture d’achat, la CNCC indique que :
la substance végétale peut être valorisée sur la base du prix d’achat du carburant fossile brut à la date d’acquisition (la substance habituellement utilisée que le biocarburant remplace dans la production du carburant mélangé) ;
la valeur du certificat bio attaché est alors obtenue par différence entre le prix d’achat du biocarburant et la valeur attribuée à la substance végétale.
Exemple :
Suite de l’exemple soumis à la CNCC Les hypothèses de prix sont les suivantes :
– biocarburant : 1 100 €/m3 ;
– carburant fossile : 500 €/m3.
Le coût d’acquisition du biocarburant s’élève donc à 1 100 000 €, soit 1 000 m3 × 1 100 €/m3, et les deux stocks sont ainsi valorisés à cette date :
– le coût de la substance végétale est de 500 000 €, soit 1 000 m3 × 500 €/m3 ;
– le coût des certificats attachés est de 600 000 €, soit 1 100 000 € – 500 000 €.
Selon la CNCC, les stocks de substance végétale et les stocks de certificats bio étant de nature interchangeable, ils sont ensuite évalués selon la méthode retenue par la société, FIFO (« first in first out ») ou CMP (coût moyen pondéré) (PCG art. 213-34), comme les CEE (PCG art. 616-13).
À la clôture, si l’entreprise constate un excédent de certificats bio non consommés, un stock subsiste à l’actif…
Le respect de l’obligation est apprécié une fois par an, le 31 décembre.
Les excédents d’énergie renouvelable (non consommés dans le cadre de l’obligation) sont conservés en stocks.
Exemple :
Suite de l’exemple soumis à la CNCC À la clôture N restent en stocks :
– 300 m3 de substance végétale et 300 m3 des certificats bio qui y sont attachés ;
– 700 m3 de substance végétale dépourvus des certificats bio, ceux-ci ayant été détachés et consommés pour remplir l’obligation N.
À la clôture :
– les 1 000 m3 de substance végétale acquis et non consommés restent évalués à 500 000 € ;
– les 300 m3 de certificats bio restant attachés au stock de substance végétale sont de 180 000 €, soit 600 000 € × 300 m3 / 1 000 m3.
… à évaluer à la valeur actuelle en cas d’indice de perte de valeur
À la clôture, lorsqu’il existe un indice de perte de valeur, un test de dépréciation des éléments de stock est effectué : leur valeur nette comptable est alors comparée à leur valeur actuelle, et une dépréciation est constatée si cette dernière s’avère inférieure à la valeur comptable (C. com. art. L 123-18 al. 2 et R 123-178-5° ; PCG art. 214-22 renvoyant à l'art. 214-5).
La valeur actuelle de la « substance végétale » est déterminée en fonction des ventes futures du carburant
La valeur actuelle de la composante « substance végétale » est déterminée comme pour toute matière première. Si elle est destinée à être intégrée dans le processus de production, elle est évaluée à la valeur d’usage, en fonction des perspectives de vente des produits finis qui en résultent (PCG art. 214-22).
En conséquence, la CNCC confirme que la composante « substance végétale » ne doit être dépréciée à la clôture de l'exercice que s'il s'avère que le coût de revient du produit fini auquel cette substance végétale est incorporée est supérieur à son prix de vente probable (MC 21790 ; Bull. CNCC n° 110, juin 1998, EC 93-13, p. 217).
Au cas particulier, le coût de revient du produit fini s’entend du coût de revient du carburant mélangé qui correspond :
au coût de la substance végétale ;
augmenté des coûts d’achèvement (coût du certificat bio et coûts de transformation) et de commercialisation.
La valeur actuelle des certificats dépend des objectifs de leur détention
Quant aux certificats, leur valeur actuelle est déterminée, selon la CNCC, en fonction de leur valeur de marché à la clôture (PCG art. 616-21 renvoyant vers art. 214-22 et 214-6).
A notre avis :
Toutefois, s’agissant d’une matière « administrative », l’appréciation de la valeur actuelle des certificats devrait dépendre de leur destination. Ainsi, à notre avis, comme pour le stock de « substance végétale » (voir ci-avant), lorsque les certificats sont détenus dans le but de se conformer aux exigences de la réglementation et de les consommer durant l’exercice suivant, une dépréciation n'est à constater que si le coût de revient du carburant mélangé, dans lequel le coût des certificats sera incorporé, est supérieur au prix de vente de ce même carburant (PCG art. 616-14 renvoyant vers art. 214-22 et 214-23).
En cas d’insuffisance d’incorporation de biocarburant à la clôture, un passif doit être comptabilisé
Comme indiqué ci-avant, le respect de l’obligation est apprécié une fois par an, le 31 décembre.
Si l’obligation d’incorporation devient supérieure à l’incorporation réalisée (la société n’a pas consommé suffisamment de certificats à la clôture par rapport aux volumes de carburants produits), la société ne dispose d’autre choix pour éteindre son obligation que d’acquitter la TIRUERT sur la base du nombre de m3 de biocarburant manquants.
La CNCC indique que, la sortie de ressources étant certaine à la clôture, une charge à payer doit être comptabilisée en l’absence de contrepartie à cette sortie de ressources (PCG art. 321-4 et 322-1).
Informations en annexe
Par analogie avec les CEE (PCG art. 833-8/1 et 833-20/7), les entreprises peuvent, à notre avis, mentionner en annexe les informations suivantes si elles s’avèrent significatives :
la valeur comptable globale des stocks de certificats ;
les méthodes comptables adoptées pour évaluer les stocks de certificats, y compris les méthodes de détermination du coût ;
la méthode utilisée pour le calcul des dépréciations et les montants des dépréciations par catégorie.
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