Une filiale de la SNCF ayant pour activité la fourniture de services et la réalisation de travaux sur le réseau ferroviaire reproche à son ancien directeur général d'avoir participé à la création d'un groupe de sociétés concurrentes et d'avoir oeuvré pour débaucher des cadres et personnels qualifiés de l'entreprise. Elle le poursuit, ainsi que les sociétés concurrentes, afin d'obtenir des dommages-intérêts pour concurrence déloyale.
Les intéressés soutiennent que les actes reprochés à l'ancien directeur général ne sont pas fautifs compte tenu du faible nombre de salariés débauchés et de leur incidence limitée puisque la filiale a connu ensuite une croissance exponentielle.
Argument rejeté. Il résulte des éléments suivants que le débauchage déloyal de salariés de la société avait bien entraîné une désorganisation effective dans l'exercice concret de son activité, cette désorganisation aurait-elle été plus limitée dans ses effets que ce qui était allégué, conduisant à l'octroi de dommages-intérêts inférieurs à ceux réclamés :
les départs à la concurrence de 3 cadres dirigeants, même si leur nombre était limité au vu de l'effectif de plus de 400 salariés, avaient nécessairement désorganisé la société du fait du niveau de responsabilité et de qualification des intéressés et du fait que les démissions s'étaient ensuite multipliées après le départ du directeur général, puisqu'au total au moins 16 salariés ont rejoint les sociétés concurrentes ;
le départ d'un autre salarié, qui avait ensuite créé l'une des sociétés concurrentes, et celui de 5 techniciens spécialisés dans l'annonce de la circulation des trains dans les zones de travaux avaient désorganisé la société en alourdissant ses frais par la souscription d'un contrat de mise à disposition de personnel pour assurer les activités de sa filière signalisation ;
les comptes de la société révélaient que ce débauchage fautif avait eu un impact financier en ce qu'il existait une relation directe entre la capacité de la société à recruter du personnel et le volume d'activité pouvant être réalisé par elle ;
si cet effet avait été limité et avait été réduit dans le temps, le débauchage fautif avait néanmoins causé des retards sur les chantiers et des coûts de formation de nouveaux personnels techniques dans une période de croissance exponentielle due au programme de modernisation du réseau ferré décidé par le groupe SNCF.
A noter :
Pour constituer un acte de concurrence déloyale, le débauchage de salariés d'un concurrent doit, outre s'accompagner de manoeuvres, entraîner la désorganisation de l'entreprise concernée (Cass. com. 9-3-1999 n° 97-12.009 D : RJDA 5/99 n° 620 ; Cass. com. 8-7-2020 n° 18-17.169 F-D : RJDA 12/20 n° 670). La preuve concrète de la désorganisation est exigée et le fait que les salariés débauchés occupaient des postes stratégiques ne suffit pas à cette démonstration (Cass. com. 20-9-2016 n° 15-13.263 F-D : RJDA 12/16 n° 845). Le nombre de salariés concernés n'est pas à lui seul déterminant, une entreprise pouvant être désorganisée par le départ d'un seul salarié (CA Versailles 25-6-2009 n° 08/3959 : RJDA 1/10 n° 94).
En revanche, comme le relève ici la Cour de cassation, l'ampleur de la désorganisation (donc du préjudice), aura une incidence sur le montant des dommages-intérêts.
Avec le Bulletin Rapide Droit des Affaires, suivez toute l'actualité juridique commentée et analysée pour assurer la relance d'activité pour vos clients ou votre entreprise :
Pas encore abonné ? Nous vous offrons un essai gratuit d'un mois à la revue Bulletin Rapide Droit des Affaires.