Avant de notifier leur projet de rachat d’un groupe télévisuel à l’Autorité de la concurrence, les sociétés à l’origine de ce projet procèdent à une pré notification de l’opération, comme les lignes directrices relatives au contrôle des concentrations de l’Autorité le leur permettent (LD-AdlC, points 191 s.). L’Autorité décide alors d'effectuer un test de marché sous la forme de l’envoi d’un questionnaire aux opérateurs économiques concernés. Deux opérateurs actifs sur le marché de la distribution des services de télévision estiment que l’envoi de ce questionnaire établit que l’Autorité a engagé l’examen du projet de concentration. Redoutant les effets de l’opération sur leur activité, ils demandent au juge des référés du Conseil d’Etat de suspendre l’exécution de la décision qui, selon eux, marque le commencement de la procédure d’autorisation. Ils forment simultanément un recours pour excès de pouvoir, à défaut duquel leur demande de suspension ne peut pas aboutir.
Le juge des référés rejette cette demande de suspension comme étant manifestement irrecevable. Il considère que les mesures adoptées au titre de la phase de pré notification ont un caractère préparatoire, ce qui s’oppose à ce qu’elles puissent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir et, par là même, d’une demande de suspension sur le fondement de l’article L 521-1 du Code de justice administrative.
A noter :
1. La phase de pré notification permet aux entreprises d’échanger de manière informelle avec le service des concentrations afin de s’assurer que l’opération est bien soumise au contrôle de l’Autorité ou pour anticiper des discussions sur ses effets anticoncurrentiels. L’ensemble de la phase de pré notification est strictement confidentiel : cette phase ne donne lieu ni à publicité sur le site internet de l’Autorité ni à des contacts avec des tiers. Néanmoins, sous réserve de l’accord préalable écrit de la partie notifiante, une consultation de marché (test de marché) peut être effectuée (LD-AdlC, point 200).
2. Cette solution est, à notre avis, transposable à l’hypothèse où le test de marché est effectué à la suite de la notification prévue par le Code de commerce et au cours de la procédure d’examen « officielle » (C. com. art. L 430-3 s.).
Elle est conforme à la position classique du juge administratif qui exige qu’un recours pour excès de pouvoir soit dirigé contre une décision « faisant grief » à son destinataire. La question se pose notamment en présence d’une procédure administrative plus ou moins complexe, qui comporte une succession d’actes selon un ordre déterminé, afin de permettre l’intervention d’une décision finale telle que la délivrance d’une autorisation. Afin d’éviter la multiplication des recours, le Conseil d'Etat se montre défavorable à toute possibilité de contestation directe de ces actes préparatoires (étude préalable, avis consultatif, acte de saisine d’une autorité, etc.). Il limite cette possibilité à la décision qui constitue l’aboutissement de la procédure et qui est considérée comme la seule à produire des effets juridiques notables.
Ainsi, dans le contentieux du contrôle des concentrations, le Conseil d’Etat ne peut être utilement saisi que d’un recours formé par les parties notifiantes, ou par un tiers, contre les décisions de l’Autorité de la concurrence interdisant l’opération ou, à l’inverse, l’autorisant, avec ou sans mesures correctives (C. com. art. L 430-7, III et IV). S’y ajoutent les recours portant sur les éventuelles sanctions prononcées par l’Autorité en cas d’inexécution, par les parties, des injonctions, prescriptions ou engagements dont est assortie l’autorisation (C. com. art. L 430-8).