Pour financer la reprise d’un fonds de commerce, une banque consent un prêt à « l’EURL [X], en cours d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, représentée par Mme [Y] ». Cette dernière et son époux se portent cautions solidaires du remboursement du prêt. Par un avenant au contrat de prêt postérieur à l’immatriculation de la société, celle-ci consent à la banque un nantissement sur son fonds de commerce.
Après l’ouverture de procédures collectives contre la société et contre l’épouse, la banque poursuit l’époux caution en remboursement du prêt.
Une cour d’appel le condamne au paiement, jugeant que son épouse avait à l’évidence agi au nom et pour le compte de la société en formation et que cette société avait, postérieurement à son immatriculation, signé un avenant emportant reprise du contrat de prêt initial, de sorte que la nullité de ce contrat devait être écartée.
La Cour suprême censure cette décision. Le contrat de prêt était nul pour avoir été conclu par une société dépourvue de personnalité juridique : il avait été conclu non pas au nom et pour le compte d’une société en cours de formation mais par la société elle-même avant son immatriculation au registre du commerce et des sociétés ; l’avenant au contra,t qui, selon ses propres termes, n’emportait pas novation, n’était pas de nature à couvrir cette nullité absolue.
A noter :
Les sociétés, autres que les sociétés en participation, jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation (C. civ. art. 1842, al. 1). Les actes conclus par une société non encore immatriculée, « représentée » par tel ou tel associé, sont donc considérés comme conclus par une société inexistante, et ils sont nuls. Le cocontractant ne peut alors pas s’en prévaloir, pas plus que la société une fois immatriculée.
Dans des arrêts récents, la Cour de cassation a déjà jugé que la mention selon laquelle la société contractante est « en cours d'immatriculation » ne suffit pas pour établir que l'acte a été passé pour le compte de la société en formation (Cass. com. 18-11-2020 n° 18-23.239 F-D : RJDA 3/21 n° 166 ; Cass. com. 10-2-2021 n° 19-10.006 F-P : RJDA 5/21 n° 312).
Pour que l'acte soit valable, le signataire doit indiquer qu’il agit « au nom et pour le compte » de la société en formation.
La nullité encourue est absolue (Cass. com. 13-12-2005 n° 1654 : RJDA 3/06 n° 266). Elle est insusceptible de confirmation ou de ratification (Cass. 3e civ. 5-10-2011 n° 09-70.571 : RJDA 1/12 n° 52 ; Cass. com. 10-6-2020 n° 18-16.441 F-D : RJDA 10/20 n° 496 jugeant qu’une assemblée générale de la société postérieure à son immatriculation ne permet pas de régulariser l’acte conclu avant).
En l’espèce, la Cour de cassation juge en outre inopérant l’avenant au contrat de prêt, signé au nom de la société après son immatriculation, en précisant qu’il n’avait pas emporté novation, ce que l’avenant disait lui-même. La novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu'elle éteint, une obligation nouvelle, qu'elle crée. Elle peut avoir lieu par substitution d'obligation entre les mêmes parties, par changement de débiteur ou par changement de créancier (C. civ. art. 1329).
Ainsi, les parties à un contrat conclu au nom d’une société en formation peuvent prévoir de substituer la nouvelle société au contractant initial, ce qui constitue une novation. Il a notamment été jugé, dans un cas où le fondateur d’une société avait conclu avec un tiers un contrat de prestation de services qui précisait que la société X se substituerait à ses droits, que la conclusion par la société immatriculée et le cocontractant d’un avenant au contrat initial limité à la question du prix faisait ressortir l’accord des parties pour substituer la société, après son immatriculation, à son fondateur dans l’exécution du contrat, de sorte que la société était engagée, bien que les formalités spécifiques de reprise (mandat, état annexé aux statuts ou décision des associés) n’aient pas été respectées (Cass. com. 21-3-2018 n° 15-29.377 F-D : RJDA 6/18 n° 499). Cependant, pour que cette substitution puisse jouer, encore faut-il que le contrat ait été préalablement conclu par une personne agissant au nom et pour le compte de la société en formation. Dans l’arrêt commenté, aucune novation par substitution de débiteur ne pouvait intervenir puisque le contrat, signé par la société elle-même, alors dépourvue de personnalité juridique, était nul.