1. Dans le cadre de l’état d’urgence déclaré en réaction à l’épidémie de Covid-19, la loi 2020-290 du 23 mars 2020 a habilité le Gouvernement à prendre, par ordonnance, toute mesure tendant à amoindrir, voire annihiler, les effets des délais de toutes sortes qui viendraient à expiration durant cette crise sanitaire (art. 11, 2°-b).
Ainsi, l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période intéresse nécessairement les baux commerciaux en ce que les actes et formalités qu’induit cette matière sont encadrés par de nombreux délais.
Bien qu’une circulaire de présentation (publiée le 26 mars 2020) en ait précisé le contenu, ladite ordonnance ne manque pas de poser quelques difficultés quant à ses incidences sur le statut des baux commerciaux faute d’être adaptée à la spécificité de ce dernier.
Deux séries de dispositions relatives aux délais retiennent notre attention :
- l’article 2 visant les actes et formalités prescrits par la loi ou le règlement devant être réalisés dans un délai déterminé à peine de sanction ;
- l’article 5 concernant les conventions ne pouvant être résiliées ou dénoncées que dans un certain délai.
Champ d'application des articles 2 et 5 de l'ordonnance
2. L’article 1er de l'ordonnance précise d’abord le champ d’application des dispositions précitées.
Il s’en évince que les articles 2 et 5 sont applicables aux délais devant échoir entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois courant à compter de la date de la cessation de l’état d’urgence. Au terme de cette période, dite « juridiquement protégée », courent alors, selon la circulaire, les délais de prorogation prévus par surcroît.
Ces dispositions ne sont toutefois pas applicables à certains délais parmi lesquels figurent ceux « ayant fait l'objet d'autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 ou en application de celle-ci ».
A notre connaissance, aucun texte particulier n’est venu fixer des délais particuliers en matière de baux commerciaux. Seul l’article 4 de l’ordonnance 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de Covid-19 est susceptible d’avoir des répercussions sur cette matière en ce qu’il neutralise les sanctions pour non-paiement des loyers et charges échus durant la « période juridiquement protégée » au profit seulement de certains locataires, ceux exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité dont les conditions d'éligibilité sont fixées par le décret 2020-371 du 30 mars 2020 modifié par le décret 2020-394 du 2 avril 2020.
Actes et formalités exclus de l'article 2 de l'ordonnance
3. D’un point de vue temporel, sont logiquement exclus de l'aménagement opéré par l'article 2 de l'ordonnance :
- les actes qui devaient être accomplis avant le 12 mars 2020 ;
- les délais dont le terme est fixé au-delà du mois suivant l’expiration de la « période juridiquement protégée», étant précisé que, à ce jour, cette date demeure inconnue…
4. Le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance 2020-306 et la circulaire du 26 mars 2020 apportent par ailleurs la même précision : l’article 2 ne vise que les actes prescrits « par la loi ou le règlement » et les délais « légalement imparti[s] pour agir », de sorte que les délais contractuellement prévus ne sont pas concernés.
Ainsi, l’accord intervenu entre bailleur et preneur prévoyant, par exemple, la réalisation de travaux dans un certain délai ne saurait permettre à ses signataires d’invoquer un report du terme du délai en vertu de l’article 2. Les parties ne pourront pas plus se prévaloir du bénéfice de la prorogation du délai dans le cadre d’un pacte de préférence si, par exemple, le locataire n’avait pas, dans le temps contractuellement imparti pour ce faire, manifesté sa volonté d’acquérir le bien loué.
Elles conservent néanmoins la faculté de se fonder sur le droit commun et notamment sur la force majeure pour tenter de justifier de l’inexécution dans le délai imparti par le bail sous réserve que le contrat ne l’exclue pas et, bien sûr, de l’appréciation du motif invoqué par les juridictions éventuellement saisies lorsque la situation sera revenue à la normale.
Délais de procédure
5. Il est d’usage, en matière de baux commerciaux, de différencier les actions exercées en application du statut, soumises à la prescription biennale de l’article L 145-60 du Code de commerce, de celles, hors statut, relevant de la prescription quinquennale de droit commun (C. civ. art. 2224) ou d’une autre prescription particulière.
Distinction ici dénuée d’importance puisque, dans ces deux cas, les délais de prescription coïncident avec la lettre de l’article 2 de l’ordonnance et pourront dès lors bénéficier de la prorogation qui y est prévue.
Dans le cas, par exemple, d’un mémoire ou d’une assignation devant, pour interrompre le court de la prescription, être notifié ou signifiée avant le 31 mars 2020, le délai imparti sera reconduit, dans la limite de deux mois, à compter de l’expiration de la « période juridiquement protégée ».
Imaginons, aux fins d’illustration, que l’état d’urgence prenne fin le 31 mai 2020 : ces actes seront réputés délivrés à temps si leur auteur les notifie ou les signifie avant le 31 août, soit deux mois supplémentaires à compter du terme de la « période juridiquement protégée », le 30 juin 2020.
Il en est de même pour l’action en paiement des loyers qui, non soumise à l’article L 145-60 du Code de commerce, suit la prescription quinquennale de droit commun, laquelle, en matière d’obligation à exécution successive (C. civ. art. 1111-1), se divise comme la dette elle-même.
Un bailleur pourra donc agir en recouvrement d’un impayé locatif – datant du 31 mars 2015 et donc normalement prescrit à pareille date en 2020 – jusqu’au terme du délai supplémentaire de deux mois suivant l’expiration de la « période juridiquement protégée », à savoir, selon le postulat ci-avant posé, jusqu’au 31 août 2020.
Le statut des baux commerciaux enserre la procédure qui lui est propre par d’autres délais pour lesquels l’incidence de l’ordonnance est moindre.
Peuvent à ce titre être évoquées les dispositions de l’article R 145-27 du Code de commerce, aux termes desquelles l’action en fixation du loyer ne peut être intentée, à peine d’irrecevabilité, qu’à expiration d'un délai d'un mois suivant la réception du premier mémoire établi. S’agissant d’un délai minimal, il importe donc peu qu’il échoie au cours de la « période juridiquement protégée ».
Le même constat peut être fait pour les délais induits par l’article R 145-28 du Code qui, renvoyant à la procédure à jour fixe, oblige le demandeur à enrôler l’affaire (CPC art. 843), et le défendeur à constituer avocat (CPC art. 842), avant la date d’audience. Ces procédures étant reportées sine die en raison de la présente crise sanitaire, les répercussions sur ces délais procéduraux sont négligeables, voire inexistantes.
Délais régissant le cours du bail
6. Le statut des baux commerciaux recèle des délais encadrant les différentes formalités et démarches intervenant en cours de bail.
En ce sens, il est loisible de mentionner l’article L 145-46-1 du Code de commerce conférant au locataire un droit de préférence pour acquérir les locaux loués si le bailleur envisage de les vendre. Ce texte contraint le locataire à répondre à l’offre de vente du bailleur dans le délai d’un mois faute de quoi ce dernier retrouve la faculté de céder à qui lui plaît.
Dans l’hypothèse où une pareille offre aurait été reçue par un locataire le 20 février 2020, c’est au cours de la « période juridiquement protégée » que le délai d’acceptation expirerait et, au-delà, ledit locataire serait déchu de son droit de préférence.
Cette situation correspondant à celles visées à l’article 2 de l’ordonnance, le locataire verrait donc son délai d’acceptation (d’un mois) courir à nouveau au terme de la « période juridiquement protégée », et ce, dans son intégralité puisqu’inférieur à la limite bimensuelle.
Les baux hôteliers nous procurent un autre exemple : le locataire exploitant un hôtel est facilement conduit à entreprendre des travaux d'équipement et d'amélioration qui, lorsqu’ils affectent le gros œuvre, requièrent l’accord écrit du bailleur (C. tourisme art. L 311-1) sollicité par voie de notification par lettre recommandée AR. A réception, l’article L 311-2 du Code du tourisme octroie au bailleur un délai de deux mois pour répondre à cette notification ; à défaut, il est réputé y consentir.
Là encore, une notification de travaux parvenue au bailleur le 20 janvier 2020 l’obligerait, par exemple, à manifester son refus dans un délai prenant fin au cours de la « période juridiquement protégée », faute de quoi un accord serait déduit de son silence dans le temps imparti.
Appréhendée, à la lueur de l’article 2, comme la déchéance du droit de refuser, cette situation bénéficierait d’un nouveau délai courant, à compter du terme de la « période juridiquement protégée », pour sa durée initiale de deux mois puisque n’excédant pas la limite fixée.
Parmi les événements intervenant en cours de bail et soumis à des délais prescrits par la loi, on peut s’interroger sur la révision triennale.
L’article L 145-38 du Code de commerce permettant aux parties de se prévaloir, au jour de la demande, de l’évolution de l’indice (en cours de bail après que trois années se sont écoulées depuis la dernière fixation ou révision du loyer), qu’advient-il des baux pour lesquels la période triennale échet le 1er avril 2020 ?
La partie à qui profite l’évolution de l’indice peut-elle se prévaloir d’une déchéance temporaire de son droit à la révision du loyer si elle n’effectue pas les diligences dans le délai imparti et échéant durant la « période juridiquement protégée » ?
Il paraît en effet délicat de se prononcer et peut-être faudra-t-il attendre la loi de ratification annoncée dès l’article 1er de la loi d’habilitation pour espérer obtenir, sur ce point, davantage de précisions.
Baux dérogatoires
7. L’article 2 de l’ordonnance peut également concerner les situations locatives se trouvant à l’orée du statut des baux commerciaux.
Tel est le cas de baux, dits « dérogatoires », pour lesquels l’article L 145-4 du Code de commerce admet qu’ils puissent être conclus pour une durée inférieure à neuf années.
Pareilles conventions locatives sont limitées dans la durée et ne sauraient excéder trois ans puisqu’à leur terme, si les parties continuent de s’exécuter, s’opère un nouveau bail, cette fois statutaire (C. com. art. L 145-5).
Il peut dès lors être considéré qu’à défaut de manifestation à l’expiration de cette durée, les parties perdent leur droit de mettre fin au contrat et qu’elles s’exposent surtout à ce que leurs rapports soient ensuite régis par les dispositions d’un régime particulier, celui des baux commerciaux.
En cela, si le terme d’un bail dérogatoire venait à échoir au cours de la « période juridiquement protégée », il serait envisageable d’assimiler cette situation à la déchéance d’un droit visée à l’article 2 de l’ordonnance.
Il aurait également pu être suggéré d’appliquer l’article 5 de ladite ordonnance (relatif aux résiliation et renouvellement) mais le bail dérogatoire se poursuivant au-delà de trois ans n’est pas exactement renouvelé, au sens de l’article 1214 du Code civil.
Congé et demande de renouvellement
8. En matière de baux commerciaux, les notions de congé et demande de renouvellement n’ont pas le même sens que celles de « résiliation » ou « dénonciation » visées par l’article 5 de l'ordonnance. Cette dernière n’a en effet pas envisagé la matière si particulière du statut des baux commerciaux, ce qui ne manquera pas de soulever des difficultés et du contentieux dans les prochains mois.
9. Avant d’exposer les incertitudes soulevées par l’article 5, il convient d’exposer les règles spécifiques relatives à la durée du bail et à la manière d’y mettre fin.
On sait que la durée d'un bail commercial relevant du statut ne peut pas être inférieure à neuf ans (C. com. art. L 145-4, al. 1), les parties pouvant convenir d’une durée supérieure. Mais cette durée peut s'avérer tout autre que celle contractuellement prévue à l’origine, et la date d’expiration du bail ne marque pas automatiquement sa fin puisque, dérogeant en cela aux règles de droit commun, le bail commercial ne cesse que par l'effet d'un congé ou d'une demande en renouvellement (C. com. art. L 145-9, al. 1).
Deux principes doivent en effet être rappelés.
a) Pour que le bail prenne fin à sa date d’échéance contractuelle, il faut :
- un congé du bailleur (avec ou sans offre de renouvellement) donné par acte extrajudiciaire au moins six mois avant sa date d’expiration (C. com. art. L 145-9, al. 1 et 5) ;
- une demande de renouvellement faite par le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou acte extrajudiciaire dans les six mois qui précèdent sa date d’expiration (C. com. art. L 145-10, al. 1) ;
- un congé donné par le locataire au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire (C. com. art. L 145-4, al. 2 ; on parle de résiliation triennale).
b) Lorsque le bail initial arrive à sa date contractuelle d'expiration sans qu’aucun congé ou demande de renouvellement n’ait été formulé, le bail se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat (C. com. art. L 145-9, al. 2) jusqu’à ce que l’une des parties y mette un terme par un congé ou une demande de renouvellement. Le bail tacitement prolongé est à durée indéterminée (Cass. 3e civ. 23-3-2004 n° 386 F-D : RJDA 7/04 n° 792 ; Cass. 3e civ. 7-12-2004 n° 1351 F-PB : RJDA 3/05 n° 235). La durée du bail tacitement prolongé peut entraîner une conséquence importante pour le locataire : si le bail excède douze ans, le loyer est automatiquement déplafonné en application de l’article L 145-34, al. 3 du Code de commerce.
10. Il résulte de ce qui précède que le bail commercial se poursuit à son échéance si aucune des parties ne se manifeste en délivrant un acte (congé ou demande de renouvellement). Un bail ne se renouvelle jamais automatiquement, de sorte que l’hypothèse visée par l’article 5 d’une convention « renouvelée en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé » ne trouve pas à s’appliquer pour les baux commerciaux.
11. Peut-on considérer que le bail commercial constitue une « convention [qui] ne peut être résiliée que pendant une période déterminée » ?
En matière de baux commerciaux, la résiliation du contrat résulte d'infractions aux clauses du bail (résiliation judiciaire ou résiliation de plein droit par application d'une clause résolutoire) ou d'un accord des parties (résiliation amiable).
On parle toutefois de résiliation triennale s’agissant de la faculté pour le preneur de dénoncer le contrat à l’échéance de chaque période triennale (C. com. art. L 145-4, al. 2) ou s’agissant de la faculté pour le bailleur de donner congé à l'expiration d'une période triennale pour effectuer certains travaux sur l’immeuble (C. com. art. L 145-4, al. 3 , notamment reconstruction ou surélévation de l'immeuble existant, rénovation ou réhabilitation, exécution de travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d'une opération de restauration immobilière).
On peut donc considérer que ces cas de résiliation triennale entrent dans le champ de l’article 5 de l'ordonnance. D’autant que, dans ces hypothèses, une démarche doit bien être accomplie avant une période déterminée : l’expiration d’une période triennale.
Les autres congés ou demandes ne sont en revanche pas qualifiés de cas de « résiliation ». Ce n’est assurément pas la terminologie employée en la matière.
Cela étant, aux termes de l’article 1229 du Code civil, la résiliation « met fin au contrat (…) lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ».
Selon le droit commun, le contrat résilié prend fin sans que ne soient remises en cause les prestations utilement échangées. Or, lorsque le bailleur donne congé ou qu’une demande de renouvellement lui est adressée, cet acte peut traduire la volonté de mettre fin au bail sans effacer les prestations échangées et ainsi s’analyser en une « résiliation ».
Si l’on retient cette interprétation extensive, on pourrait alors considérer qu’un congé qui aurait dû être délivré au plus tard le 31 mars 2020 (date d’expiration contractuelle du bail) pour produire ses effets au 30 septembre suivant pourra encore être délivré au plus tard trois mois après la cessation de la période d’urgence sanitaire. Il faudra alors que le congé fasse expressément référence à l’ordonnance 2020-306.
Lorsque le congé (ou la demande de renouvellement) est délivré pour la date d’expiration contractuelle, on pourrait donc estimer être dans le cadre d’une « convention [qui] ne peut être résiliée que pendant une période déterminée ».
En revanche, lorsque le bail est en tacite prolongation, il n’y a pas de période déterminée à l’intérieur de laquelle la résiliation doit intervenir, pas de date limite pour « résilier », puisque le congé peut intervenir à tout moment au cours de cette période indéterminée. Il n’est dès lors pas certain que l’on puisse rentrer dans le champ de l’article 5 de l’ordonnance.
12. On peut alors s’interroger sur l’applicabilité de l’article 2 de l’ordonnance évoqué ci-avant aux congés et demandes de renouvellement.
Un congé (ou une demande de renouvellement) peut-il être considéré comme un « acte (…) prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque » ?
La circulaire précise que l’article 1er de l'ordonnance ne vise que les actes prescrits « par la loi ou le règlement » et les délais « légalement imparti[s] pour agir ».
Il ne fait pas de doute que le congé (ou la demande de renouvellement) est bien un « acte » prescrit par la loi dans un délai imparti par cette dernière. Mais l’est-il à peine de l’une des « sanctions » visées par l’article 2 ?
Contrairement aux baux d’habitation, pour lesquels le congé est nul s’il n’a pas été signifié dans le délai requis (Cass. 3e civ. 12-4-1995 n° 92-21.859 : RJDA 6/95 n° 697 ; Cass. 3e civ. 31-5-2011 n° 10-30.707 : Loyers et copr. 2011 comm. n° 236 note B. Vial-Pedroletti), en matière de baux commerciaux, le congé signifié en dehors du délai de préavis de six mois imposé par la loi voit ses effets reportés (Cass. 3e civ. 7-7-1975 : Bull. civ. III n° 238). Ainsi, le congé donné moins de six mois avant le terme du bail prend effet postérieurement à la date d'expiration du bail, c'est-à-dire en période de tacite prolongation.
Il n’est dès lors pas certain que l’on puisse considérer que ce report des effets constitue une « sanction » au sens de l’article 2.
On pourrait toutefois soutenir qu’une demande de renouvellement est un acte prescrit par la loi à peine d’« application d’un régime particulier ». En effet, lorsqu’une demande de renouvellement doit être faite le 31 mars au plus tard pour éviter que le bail n’atteigne au 1er avril une durée de douze ans, une telle demande n’a-t-elle pas pour but d’éviter l’application d’un « régime particulier », à savoir le déplafonnement automatique du loyer en application de l’article L 145-34, al. 3 du Code de commerce ?
13. Enfin, à supposer que le délai pour donner congé ou demander le renouvellement puisse être reporté conformément aux termes de l’ordonnance 2020-306, reste la question des conséquences de ce report sur le délai de préavis.
Il faudrait à notre sens considérer que seule la date possible de délivrance du congé ou de la demande est reportée et non l’échéance du bail, de sorte que le délai de préavis de six mois s’en trouverait réduit d’autant.
Conserver la durée intégrale du préavis et donc décaler l’échéance du contrat pourrait ainsi aboutir à ce qu’un locataire ne puisse pas, en dépit de l’aménagement des délais, s’opposer à ce que la durée de son bail excède douze ans et voit donc son loyer automatiquement déplafonné.
Droit d'option et droit de repentir
14. Bien que classées dans le Code de commerce sous la section intitulée « De la procédure » les dispositions des articles L 145-57 et L 145-58 relatives au droit d’option et au droit de repentir ne semblent pas, à notre sens, suivre le régime des délais procéduraux relevant de l’article 2 de l’ordonnance.
Le droit d’option permet au bailleur qui a initialement offert le renouvellement de se raviser et finalement de le refuser. De même, le locataire peut, après avoir accepté le renouvellement ou l’avoir demandé, finalement y renoncer. Ce droit d’option peut être exercé jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant la signification de la décision fixant le loyer du bail renouvelé (C. com. art. L 145-57, al. 2).
Il apparaît dès lors que la partie qui finalement s’oppose au renouvellement du bail, ayant déjà pris effet, peut être considérée comme le résiliant.
Et, dans l’hypothèse où le jugement fixant le loyer du bail renouvelé aurait été signifié le 20 février 2020, le délai imparti pour exercer cette faculté de résiliation viendrait à expiration au cours de la « période juridiquement protégée ». Ce délai pourrait alors, s’il reçoit application de l’article 5 de l’ordonnance, être prolongé de deux mois à compter du terme de ladite période.
15. Concernant le droit de repentir offrant au bailleur, dans un certain délai, le droit de revenir sur le refus de renouvellement précédemment délivré au locataire (C. com. art. L 145-58), la qualification de « résiliation » ne peut pas être retenue puisque le bail expiré a déjà pris fin dès le congé ou la demande de renouvellement refusée.
Ce dispositif n’entrant pas, à notre sens, dans le champ d’application de l’article 5 de l’ordonnance, il pourrait à la rigueur être soutenu qu’il relève de l’article 2 en ce que le droit de repentir non exercé à temps, et si son délai expire au cours de la « période juridiquement protégée », est de nature à exposer le bailleur au paiement d’une indemnité d’éviction, certainement perçue par lui comme une « sanction » ou comme « l’application d’un régime particulier. »
Géraldine ALLARD-KOHN et Timothée BRAULT
Géraldine ALLARD-KOHN et Timothée BRAULT interviennent, au sein du cabinet LVA, en baux commerciaux (conseil et contentieux) et ont développé une expertise en matière d'hôtellerie et de résidences-services (résidences étudiantes et Ehpad).
Pour en savoir plus sur les conséquences du Coronavirus pour les entreprises et leurs salariés, les questions qu'elles posent et les réponses à y apporter : retrouvez notre Dossier spécial Coronavirus (Covid-19) alimenté en temps réel.
[Information Covid-19] Suivez l'actualité et adoptez au plus vite les mesures adaptées à votre entreprise avec Navis :
Vous êtes abonné ? Accédez à Navis à distance depuis votre domicile*
Pas encore abonné ? Nous vous offrons un accès temporaire au fonds documentaire Navis pendant 30 jours pour vous permettre de travailler à distance
* Si vous rencontrez le moindre problème de connexion à votre Navis, contactez notre Service Relations Clients au 01 41 05 22 22, du lundi au vendredi, de 9h à 18h.