Par PwC, auteur du Mémento Comptable
Les entreprises peuvent tirer les conséquences fiscales des corrections d’erreur de classement des titres
Pour rappel, les titres de participation au sens comptable sont ceux qui, en créant un lien durable avec d’autres sociétés, sont destinés à contribuer à l’activité de la société détentrice (C. com. art. R 123-184 et PCG art. 221-3). Les textes comptables, s’ils laissent place à l’interprétation au cas par cas, ne donnent en revanche aucun choix comptable à l’entreprise. Si les titres sont jugés utiles à l’activité, ils doivent être comptabilisés en tant que titres de participation, dans le compte 261 « Titres de participation ».
Les titres de participation au sens comptable figurent parmi les titres répondant à la définition fiscale des titres de participation ouvrant droit au régime fiscal du long terme (CGI art. 39, 1-5°-18e al. et art. 219, I-a ter et 219, I-a quinquies).
Ainsi, une erreur comptable de classement de titres de participation ne peut que résulter d'une erreur d'appréciation des faits et circonstances existant à la date d'acquisition des titres.
Tirant les conséquences de la connexion entre la comptabilité et la fiscalité, le Conseil d’Etat a récemment jugé (arrêt Vivendi, CE 29-5-2017 n° 405083 ; voir FRC 8-9/17 inf. 1) que :
- l’inscription comptable en « Titres de participation » peut être corrigée à l’initiative de l’entreprise, sauf si elle relève d’une erreur délibérée ;
- l’administration ne saurait considérer que l’inscription dans le compte « Titres de participation » de titres ouvrant droit au régime des sociétés mères constitue une présomption irréfragable pour l’application du régime du long terme (sur l’annulation de sa doctrine en ce sens, voir plus loin) empêchant l’entreprise de tirer les conséquences d’une correction de classement.
A noter : cette possibilité permet désormais aux entreprises de tirer les conséquences fiscales de leurs erreurs de classement commises involontairement. Sur les conditions d’utilisation de cette nouvelle possibilité et les précautions à prendre, voir ci-après.
En revanche, les possibilités de correction par l’administration sont limitées par sa propre doctrine
La jurisprudence ouvre-t-elle à l’administration le droit de remettre en cause le classement des titres ?
En principe, l’administration considère que le classement comptable des titres dans le compte « Titres de participation » constitue, sur le plan fiscal, une présomption simple de leur exacte qualification au regard de la définition fiscale des titres de participation.
Afin de préserver la sécurité juridique des entreprises, elle a toutefois indiqué que les décisions prises en comptabilité ne pourraient être rectifiées à l’occasion d’un contrôle que si des indices permettent d'établir que l'affectation comptable des titres procède d’une erreur manifeste (BOI-BIC-PVMV-30-10 n° 130).
En pratique, la doctrine administrative publiée pourrait exclure toute possibilité de correction pour certains titres
En effet :
- certes, le Conseil d’Etat, dans sa décision Vivendi précitée, a annulé la doctrine administrative suivant laquelle le classement comptable en « Titres de participation » des titres ouvrant droit au régime des sociétés mères constituait une présomption irréfragable pour l’application du régime fiscal du long terme (BOI-BIC-PVMV-30-10 n° 270) ;
- mais cette même position est exprimée dans un autre paragraphe du Bofip que celui visé par l’arrêt (BOI-BIC-PVMV-30-10 n° 140).
Selon cette doctrine, la présomption irréfragable concerne :
- les titres inscrits au compte de titres de participation qui remplissent sur le plan fiscal les conditions pour ouvrir droit au régime des sociétés mères et représentent au moins 5 % des droits de vote de la filiale,
- et les titres acquis en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange par l'entreprise qui en est l'initiatrice.
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Le paragraphe 140 du Bofip n’étant pas concerné par la décision Vivendi précitée du Conseil d’Etat, son opposabilité pourrait être particulièrement utile, en pratique, en cas de comptabilisation comme des titres de participation de titres représentant une participation supérieure à 5 % mais inférieure ou égale à 10%, qui ne bénéficient pas de la présomption comptable (PCG art. 221-3 ; voir MC 1812 II).
Le paragraphe 140 du Bofip est-il opposable à l’administration ?
Dans le cadre de notre conférence « Arrêté des comptes et Résultat fiscal 2017 » du 17 novembre dernier, organisée par PwC et Les Echos Events, en partenariat avec Les Editions Francis Lefebvre et la DFCG, nous avons posé la question à un membre du Conseil d’Etat. Celui-ci, s’exprimant à titre personnel, nous a indiqué que le paragraphe 140 du Bofip précité peut être opposé par un contribuable à l’administration, en l’état, sur le fondement de l’article L 80 A du LPF.
Mais la correction d’une erreur comptable de classement des titres suppose la réunion d’éléments probants
En pratique, à notre avis, il résulte de la définition comptable des titres de participation (C. com. art. R 123-184 et PCG art. 221-3 ; voir ci-avant) que :
- l’intention initiale de l’entreprise lors de leur acquisition est déterminante pour la qualification des titres ;
- la possibilité d’exercer une influence sur la société démontre la qualification de titres de participation dès lors que cette influence est utile à l’activité de l’entreprise.
A noter : lorsqu’elle est remplie, cette condition d’exercice d’une influence est donc le plus souvent suffisante à la qualification des titres comme des titres de participation. Mais, à l’inverse, il n’est pas indispensable qu’elle soit satisfaite lorsque l’utilité des titres peut être établie du fait que la prise de participation vise à la création de liens durables avec la société émettrice dans le but d’obtenir des avantages économiques pour la société détentrice.
Une décision récente du Conseil d’Etat vient souligner le caractère déterminant de l’intention initiale de l’entreprise pour la qualification des titres (CE 28-12-2017 n° 393623).
Le Conseil d’Etat avait déjà précisé que la qualification des titres est indépendante des événements postérieurs à l’acquisition. En particulier, la circonstance que les prérogatives conférées par la détention des titres ne soient en définitive pas exercées ne justifie pas la remise en question du classement initial (CE 20-10-2010 nos 314247 et 314248).
Dans l’affaire jugée, une société industrielle avait réalisé une prise de participation :
- représentant 10 % du capital d’une société exerçant à l’étranger une activité semblable à la sienne ;
- s’inscrivant dans une stratégie à moyen et long terme visant à renforcer sa position en Europe, en profitant de la croissance de certains pays.
Mais à la suite notamment d’une restructuration dont elle a été l’objet, la société acheteuse a en définitive renoncé à l’alliance initialement prévue.
Le Conseil d’Etat rappelle que, comme sur le plan comptable,le critère de l’utilité des titres énoncé dans la définition comptable des titres de participation peut notamment être caractérisé lorsque :
- les conditions d’achat des titres en cause révèlent l’intention de l’acquéreur d’exercer une influence sur la société émettrice,
- et lui donnent les moyens d’exercer une telle influence.
En conséquence, la circonstance que les objectifs initialement assignés à l’opération d’acquisition n’aient en définitive pas pu être atteints est sans incidence sur la qualification des titres. Prenant notamment en compte le fait que la société était devenue en l’espace de 6 ans le troisième actionnaire de sa filiale, il considère en l’espèce que le classement initial des titres effectué par l’entreprise parmi ses titres de participation était correct dès lors que l’objet de l’investissement était bien à l’origine d’accroître son influence sur la politique industrielle et financière de la cible, alors même qu’elle n’était pas signataire du pacte conclu entre les deux autres actionnaires principaux (CE 28-12-2017 n° 393623).
A noter : le reclassement de titres motivé par le constat qu’une erreur a été commise suppose d’établir que l’entreprise a réalisé, à l’origine, une interprétation fausse de ses propres intentions initiales, ce qui devrait être rare en pratique. La démarche qui consisterait à apprécier l’exactitude des intentions initiales à la lumière des réalisations effectives est à proscrire, et ne saurait motiver une correction d’erreur comptable.
En revanche si des événements postérieurs à l’acquisition viennent remettre en cause les intentions initiales de l’entreprise ayant motivé le classement de titres comme des titres de participation, elle est tenue de les reclasser au titre de l’exercice de survenance de ces événements. Ce reclassement devra s’accompagner de la constatation d’un résultat fiscal de transfert si ces titres ne satisfont pas aux conditions posées pour leur comptabilisation à une subdivision spéciale permettant le maintien de leur assujettissement au régime du long terme (voir MC 1812 II).