Par PwC, auteur des Mémentos Comptable, IFRS, Fusions, Comptes consolidés et du Feuillet Rapide comptable
Changement de réglementation depuis 2017
Les créances et dettes en devises ne sont pas toujours couvertes dès la date de l’opération. Lorsqu’il existe un délai entre l’entrée dans le bilan de la créance/dette et la mise en place de la couverture, la question se pose alors du traitement comptable du résultat latent sur la créance/dette à la date de mise en place de la couverture.
Depuis l’entrée en vigueur des nouveaux principes comptables applicables aux instruments financiers à terme et aux opérations de couverture (issus du règl. ANC 2015-05 du 2-7-2015, d’application obligatoire aux exercices ouverts depuis le 1er janvier 2017), ce traitement a été modifié.
Jusqu’à la première application du nouveau règlement, il était possible :
- de comptabiliser au cours couvert les créances et les dettes en devises bénéficiant d’une couverture fixant le cours de la devise à l’échéance ;
- et de constater immédiatement en résultat financier le résultat latent sur la créance/dette à la date de mise en place de la couverture (qu’il s’agisse d’une perte ou d’un gain latent).
À compter de l’exercice de première application du règlement :
- il est interdit de comptabiliser au cours couvert les créances/dettes couvertes, même si la couverture fixe le cours de la devise à l’échéance ;
- et le résultat latent doit rester au bilan dans un compte transitoire et provisionné s’il s’agit d’un écart actif (perte latente). En revanche, les gains latents ne sont désormais reconnus en résultat qu'à l'échéance de la créance/dette.
L’exemple ci-après fait le point sur les différentes étapes qu’il convient de respecter pour une dette en devises couverte par un achat à terme postérieurement à sa date d’entrée dans le patrimoine.
Exemple :
La société F souscrit une dette financière court terme le 30/06/n avec une échéance au 30/06/n+1 pour un montant de 10 000 000 D.
Au 30/09/n, la société F souscrit un achat à terme de 10 000 000 D de maturité 30/06/n+1.
Les cours s’établissent de la façon suivante :
1 D = | 30/06/n | 30/09/n | 31/12/n | 30/06/n+1 |
Cours comptant | 0,858 € | 0,0812 € | 0,0834 € | 0,0845 € |
Cours à terme | 0,0817 € |
Les principes de la comptabilité de couverture sont applicables à l’opération
L’entreprise F souscrit l’achat à terme dans le but de réduire le risque de change sur le flux de trésorerie future lié au règlement de la dette en juin n+1.
Les principes de la comptabilité de couverture s’appliquent à l’opération de couverture (PCG art. 628-11). En effet :
- l’achat à terme et la dette en devises répondent respectivement à la définition d’un instrument de couverture et d’un élément couvert (PCG art. 628-7, 628-8 et Note de présentation du règl. ANC 2015-05, § 2.1.1 et 2.2.1 ; voir MC 2140-3 et 2140-4) ;
- la réduction du risque est démontrée du fait du parfait adossement de la dette et du dérivé en termes de nominal (10 MD), de maturité (juin n+1) et de sous-jacent. Le fait que la dette soit préexistante (30 juin n) à la date de mise en place de la couverture (septembre n) ne remet pas en cause la possibilité de qualifier comptablement l’opération de couverture en tant que telle. En effet, l’exposition peut être couverte partiellement, par exemple sur une portion de la durée de l’opération, ce qui est le cas ici (PCG art. 628-8 et 628-10 et Note de présentation précitée, § 2.2.2 et 2.3.1 ; voir MC 2140-2).
La dette en devises entre au bilan au cours du jour de l’opération (30 juin n)
Lors de la souscription de l’emprunt, celui-ci est converti au cours spot au 30/06/n (voir MC 2081).
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À la date de souscription du contrat (30 septembre n)
L’achat à terme constitue un engagement hors bilan
Lors de la souscription de l’achat à terme, le montant du nominal n’est pas comptabilisé s’agissant d’un engagement hors bilan (PCG art. 628-1 ; voir MC 2710-2).
À la clôture (31 décembre n)
Le résultat latent sur la dette est comptabilisé au bilan en deux temps
Lors de la clôture annuelle, l’emprunt en devises est réévalué sur la base du cours de clôture (0,834) et les écarts de conversion constatés au bilan (PCG art. 420-8).
À notre avis, l’écart de réévaluation devrait être comptabilisé au bilan dans deux comptes différents, de manière à permettre de provisionner les éventuelles pertes latents à concurrence du seul risque non couvert :
a. dans un compte destiné à comptabiliser les écarts de conversion non couverts (ici un compte 4772x) : le résultat de change à la date de mise en place de la couverture (produit latent de 460 000), c’est-à-dire la différence entre le montant enregistré initialement (10 000 000 x 0,858) et le montant valorisé au cours du jour de la mise en place de la couverture (10 000 000 x 0,812).
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Dans la mesure où la différence de conversion non couverte de la dette en devises est un gain latent, celui-ci n’intervient pas dans la formation du résultat de l’exercice n (PCG art. 322-6). S’il s’était agi d’une perte latente, celle-ci aurait dû faire l’objet d’une provision pour pertes de change, s’agissant de la partie non couverte de la dette (PCG art. 420-5 et 420-6).
voir ci-après.
A noter : Avant les nouvelles règles, la dette aurait été traitée comme si elle avait été transformée en monnaie nationale lors de la couverture. En conséquence :
- la dette aurait été valorisée sur la base du cours de couverture (0,812) ;
- la différence de conversion aurait alors été constatée en gain financier sur l’exercice n (Rapport du CNC faisant état des réflexions et de propositions relatives à l’évaluation des créances et des dettes en devises, « document CNC n° 67 », novembre 1987).
b. dans un compte destiné à comptabiliser les écarts de conversion couverts (ici un compte 4762y) : le résultat de change à compter de la date de mise en place de la couverture (perte latente de 220 000), c’est-à-dire la différence entre le montant valorisé au cours de clôture (10 000 000 x 0,834) et le montant valorisé au cours du jour de la mise en place de la couverture (10 000 000 x 0,812).
Cette perte latente étant couverte, elle n’est pas provisionnée (PCG art. 420-6).
La quote-part couverte du résultat latent sur la dette et l’achat à terme comptabilisés au bilan s’annulent
La variation de valeur de l’achat à terme est, à notre avis, comptabilisée au bilan.
Les comptes 4762y (partie couverte de la différence de conversion) et 478 peuvent être compensés pour la présentation au bilan. Leur solde est nul, la dette étant parfaitement couverte pour la période postérieure à la mise en place de la couverture.
l’écart de conversion sur la dette, calculé sur la période non couverte (gain latent de 460 000) est pris en compte pour la détermination du résultat fiscal (CGI art. 38-4). Il en est de même pour l’écart de conversion calculé sur la période couverte (perte latente de 220 000). Ce dernier est toutefois neutralisé par la prise en compte du gain latent résultant du contrat à terme d’instruments financiers pris en couverture (CGI art. 38-6, 2° bis et 38-6,3°).Le gain latent de l’exercice sur la période non couverte (460 000) est à réintégrer sur l’imprimé n° 2058-A (ligne WQ).
A noter : Avant les nouvelles règles, le dérivé n’aurait donné lieu à aucune comptabilisation dans le compte 52 et aucune modification n’aurait été apportée à la dette à la clôture, quelle que soit l’évolution du cours de la devise.
Le report déport est étalé sur la période de couverture
S’agissant de la couverture d’une dette, le report déport est obligatoirement étalé sur la période de couverture. En effet, il a une nature de taux d’intérêt (voir MC 2143-2).
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La quote-part non couverte du résultat latent sur la dette est compris dans la position globale de change
A notre avis : Si l’entreprise calcule à la clôture une position globale de change pour limiter le montant de la provision pour perte de change sur ses éléments non couverts, la différence de change non couverte (460 000 comptabilisés au crédit du compte 4772x) sera, à notre avis, comprise dans cette position.
En revanche, les variations postérieures (220 000 comptabilisés au débit du compte 4762y) ne devront pas être prises en compte dans cette position globale de change (les éléments couverts étant à exclure ; PCG art. 420-6 ; voir MC 2083-3).
Au règlement de la dette et terme du dérivé de couverture (30 juin n+1)
Les pertes et gains de change sur la dette (différence entre sa valeur d’entrée au passif du bilan et le montant du règlement) sont comptabilisées en résultat financier (s’agissant d’une opération de nature financière), dans les comptes 666 « Pertes de change financières » et 766 « Gains de change financiers » (PCG art. 946-66 et 947-76).
En cohérence avec le principe de symétrie de la comptabilité de couverture, le résultat réalisé sur le dérivé de couverture est à comptabiliser en résultat financier (PCG art. 628-11 ; voir MC 2142-6) :
- soit dans le même poste que celui de l’élément couvert (au cas particulier le poste « Différences positives de change ») ;
- soit dans un poste différent de la même rubrique du compte de résultat (au cas particulier, la rubrique « Produits financiers »).
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En définitive, le résultat financier sur l’exercice n+1 correspond à l’écart de change non couvert, soit 460 000 [10 000 000 x (0,858 – 0,812)].
le résultat de change comptabilisé est compris dans le résultat imposable. Mais l’écart de change sur la période non couverte ayant été imposé sur l’exercice précédent (voir ci-avant), il fait l’objet en n + 1 d’une déduction extra-comptable sur l’imprimé n° 2058 A (ligne XG). En définitive, le résultat fiscal sur l’exercice n+1 est donc nul.
A noter : Avant les nouvelles règles, aucun écart de change n’aurait été dégagé en n+1. Le résultat de change antérieur à la mise en place de la couverture ayant été constaté en résultat dans l’exercice n de mise en place de la couverture.
En outre, le report-déport est amorti pour sa valeur résiduelle :
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