La loi 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a rénové en profondeur le compte personnel de formation (CPF) en le plaçant au cœur du système de la formation professionnelle. La principale évolution du CPF, et certainement la plus emblématique, concerne son unité de compte : de l'heure de formation, le CPF passe à l'euro (C. trav. art. L 6323-2). Plusieurs décrets détaillent les nouvelles modalités d'alimentation du CPF des salariés applicables depuis le 1er janvier 2019.
Alimentation régulière
En vertu de l'article L 6323-11 du Code du travail, le CPF des salariés bénéficie d'un crédit annuel de base dont le montant varie selon leur durée du travail. En outre, certains salariés peuvent se voir accorder une majoration de leurs droits.
500 € par an pour les salariés au moins à mi-temps
Le compte du salarié ayant effectué une durée de travail égale ou supérieure à la moitié de la durée légale (1 607 heures) ou conventionnelle (nombre d'heures fixé par accord collectif d'entreprise ou de branche) de travail sur l'ensemble de l'année est alimenté à hauteur de 500 € au titre de cette année, dans la limite d'un plafond total de 5 000 € (C. trav. art. R 6323-1, I modifié).
Le CPF du salarié dont la durée de travail a été inférieure à la moitié de la durée de référence ci-dessus sur l'ensemble de l'année est crédité, au titre de cette année, d'un montant calculé à due proportion de la durée de travail effectuée. Sont principalement concernés par la proratisation de leur crédit de formation les salariés à temps partiel effectuant moins qu'un mi-temps ainsi que ceux embauchés en cours d'année. Lorsque ce calcul aboutit à un montant en euros comportant des décimales, ce montant est arrondi à la deuxième décimale, au centime d'euro supérieur (C. trav. art. R 6323-1, II-al. 1 à 3 modifié).
Pour le salarié dont la durée de travail est décomptée en jours dans le cadre d'une convention de forfait annuel en jours, le nombre de jours de travail de référence pour le calcul de l'alimentation du CPF est égal au nombre de jours compris dans le forfait tel que fixé par l'accord collectif l'instaurant, dans la limite de 218 jours (C. trav. art. R 6323-1, II-al. 4 modifié).
À l'exception du passage à l'euro, les règles de calcul des droits à formation du salarié dont la rémunération n'est pas établie en fonction d'un horaire de travail ne sont pas modifiées. Le montant de référence est donc fixé à 2 080 fois le montant horaire du Smic, soit 20 862,40 € en 2019 (2 080 × 10,03 €). L'alimentation de son compte est calculée au prorata du rapport entre la rémunération effectivement perçue et ce montant de référence (C. trav. art. R 6323-1, II-al. 5 et 6 modifié).
800 € par an pour ceux peu qualifiés
Conformément à l'article L 6323-11-1 du Code du travail, les salariés peu qualifiés ont droit à une majoration de leur crédit annuel de base et du plafond de leur compte, en vue de les porter à un niveau au moins égal à 1,6 fois les montants applicables aux salariés de droit commun.
A noter : Pour rappel sont considérés comme peu qualifiés les salariés n'ayant pas atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme ou un titre professionnel enregistré et classé au niveau 3 (anciennement niveau V) du répertoire national des certifications professionnelles ou une certification reconnue par une convention collective nationale de branche.
Ainsi, le CPF du salarié peu qualifié ayant effectué une durée annuelle de travail égale ou supérieure à la moitié de la durée de référence est alimenté, au titre de cette année, à hauteur de 800 €, dans la limite d'un plafond de 8 000 € (C. trav. art. R 6323-3-1, I modifié). En pratique, ce crédit correspond donc au minimum légal (1,6 × 500 €).
A noter : Sous réserve des adaptations rendues nécessaires par le passage à l'euro du CPF, la formalité déclarative à remplir par le salarié peu qualifié en vue d'obtenir la majoration demeure similaire à celle applicable avant la réforme. Les conséquences d'une déclaration frauduleuse ou erronée sont toutefois complétées. Dans ce cas, les droits en euros ne peuvent pas être utilisés. Si le titulaire du CPF les a tout de même utilisés, il doit rembourser les sommes correspondantes à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ou, le cas échéant, à la commission paritaire interprofessionnelle régionale (CPIR), au terme d'une procédure contradictoire et selon des modalités définies par les conditions générales d'utilisation du service dématérialisé (C. trav. art. R 6323-3-1, V modifié).
Calcul des droits par la Caisse des dépôts
Depuis le 1er janvier 2019, le CPF est intégralement géré et financé par la CDC. Par conséquent, c'est à celle-ci qu'appartient la mission de calculer le crédit annuel de base des salariés. Elle utilise à cette fin les données issues de la déclaration sociale nominative (DSN) des employeurs afin de procéder à l'alimentation des comptes des salariés. Un arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle (à paraître) doit fixer les modalités selon lesquelles la CDC procède à ce calcul et à cette alimentation lorsqu'elle ne reçoit pas ces données ou lorsque les données reçues sont incomplètes ou erronées (C. trav. art. R 6323-1, III modifié).
Un crédit supplémentaire peut être prévu par un accord collectif
En vertu de l'article L 6323-11, alinéa 4, du Code du travail, un accord collectif d'entreprise, de groupe ou, à défaut, un accord de branche peut prévoir des modalités d'alimentation du CPF plus favorables dès lors qu'elles sont assorties d'un financement spécifique à cet effet. Autrement dit, un crédit annuel conventionnel supplémentaire peut s'ajouter au crédit légal de base.
Dans ce cas, l'employeur (et non pas la CDC) effectue annuellement, pour chacun des salariés concernés, le calcul des droits supplémentaires venant alimenter son CPF. Il verse ensuite à la CDC (à l'opérateur de compétences en 2019) une somme d'un montant égal à celui de ce crédit supplémentaire. Le compte du salarié est alimenté dès réception de cette somme (C. trav. art. R 6323-2 modifié).
Abondements supplémentaires
L'abondement « correctif » en cas de non-respect des entretiens professionnels
Dans les entreprises d'au moins 50 salariés, lorsque le salarié n'a pas bénéficié, durant les 6 ans précédant son entretien dédié à l'état des lieux récapitulatif de son parcours professionnel, des entretiens biennaux consacrés à ses perspectives d'évolution professionnelle et d'au moins une action de formation autre que celle conditionnant l'exercice d'une activité ou d'une fonction, en application d'une convention internationale ou de dispositions légales et réglementaires, un abondement est obligatoirement crédité sur son compte (C. trav. art. L 6323-13).
Cet abondement, d'un montant de 3 000 €, est versé par l'employeur à la CDC (à l'opérateur de compétences en 2019). Cette somme est créditée sur le compte du salarié dès sa réception (C. trav. art. R 6323-3 modifié).
Abondement pour le salarié licencié à la suite d'un accord de performance collective
Conformément à l'article L 2254-2, VI, du Code du travail, lorsqu'un salarié est licencié à la suite du refus de la modification de son contrat de travail résultant de l'application d'un accord de performance collective, son employeur est tenu d'abonder son CPF.
Fixé à 3 000 €, cet abondement est versé par l'employeur à la CDC (à l'opérateur de compétences en 2019) puis est crédité sur le compte du salarié dès réception de la somme (C. trav. art. R 6323-3-2 modifié). L'accord de performance collective peut toutefois prévoir un abondement d'un montant supérieur à 3 000 €, qui n'est qu'un minimum réglementaire (C. trav. art. L 2254-2, II-4°).
Abondement par l'utilisation des points du compte professionnel de prévention
Les salariés exposés, au-delà des seuils réglementaires, à certains facteurs de risques professionnels énumérés à l'article D 4161-1 du Code du travail, acquièrent des points sur leur compte professionnel de prévention (C2P). Ces points peuvent être utilisés notamment pour financer une action de formation, en vue d'accéder à un emploi non exposé ou moins exposé au risque. Compte tenu de la monétisation des abondements du CPF, les points, convertissables jusqu'à présent en heures de formation, ouvrent droit désormais à un certain montant de prise en charge. Ainsi, un point, qui ouvrait droit à 25 heures de prise en charge de tout ou partie des frais d'une formation, permet désormais un abondement du CPF de 375 € (C. trav. art. R 4163-11 modifié).
Ce n'est plus l'organisme ou l'employeur prenant en charge les frais de formation qui apprécie l'éligibilité de la formation demandée. Seul l'opérateur du conseil en évolution professionnelle est désormais compétent (C. trav. art. R 4163-19 modifié). Le salarié joint à sa demande de formation un document précisant le montant qu'il souhaite consacrer à celle-ci, au titre des points inscrits sur son C2P, ainsi que le poste qu'il occupe (C. trav. art. R 4163-18 modifié).
Lorsqu'il reconnaît la formation éligible, l'opérateur du conseil en évolution professionnelle fournit une attestation au salarié, qui la transmet dans le cadre de sa demande d'utilisation de points à la Carsat (C. trav. art. R 4163-20 modifié).
Pour les expositions aux facteurs de risques professionnels au titre des années 2015, 2016 et des 3 premiers trimestres de 2017, c'est-à-dire pour celles ayant donné lieu à attribution de points avant la transformation en C2P du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), les dispositions réglementaires qui lui étaient applicables sont adaptées pour tenir compte notamment de la monétisation du CPF et du transfert de compétence à l'opérateur du conseil en évolution professionnelle (Décret 2018-1256 du 27-12-2018 art. 5-II).
A noter : Pour chaque action de formation, la Caisse des dépôts et consignations prend en charge les frais afférents et se fait rembourser par la Carsat, après lui avoir fourni une attestation indiquant que la formation a été effectivement suivie et a fait l'objet d'un règlement. Les modalités de versement des sommes correspondantes sont fixées par une convention conclue entre les différents organismes (C. trav. art. R 4163-22 modifié, applicable au 1er janvier 2020). Toutefois, jusqu'au 31 décembre 2019, la prise en charge de la formation doit être assurée par l'employeur ou l'organisme collecteur qui se fait rembourser par la Carsat en lui adressant une telle attestation (Décret 2018-1256 du 27-12-2018, art. 5-I-2°).
Abondement consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle
Depuis le 1er janvier 2019, les victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle dont le taux d'incapacité atteint au moins 10 % peuvent bénéficier d'un abondement de leur CPF pour suivre une formation leur permettant une reconversion professionnelle. Initialement de 500 heures, cet abondement est désormais fixé à 7 500 €, à la suite de la monétisation de ce compte. Son utilisation peut toujours être fractionnée (CSS art. R 432-9-2 et R 432-9-3 modifiés).
L'abondement est automatiquement accordé lorsqu'il est demandé pour une action de formation de nature à favoriser la reconversion professionnelle de l'intéressé ou reconnue éligible par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), et non plus par l'organisme paritaire collecteur agréé ou l'employeur prenant en charge la formation (CSS art. R 432-9-5 modifié).
Au final, la formation est supportée financièrement par la caisse nationale d'assurance maladie (ou la MSA en agriculture). En pratique, la caisse rembourse la personne ayant pris en charge la formation. Jusqu'au 31 décembre 2019, cette prise en charge doit être assurée par l'employeur ou l'organisme collectant sa contribution-formation. À compter du 1er janvier 2020, elle est assurée par la CDC. Pour obtenir le remboursement, le financeur doit fournir à la caisse une attestation indiquant que la formation a été effectivement suivie et a fait l'objet d'un règlement (CSS art. R 432-9-6 modifié ; Décret 2018-1256 art. 5, I-4°).
Conversion des anciens droits
Le crédit du CPF n'est pas reparti à zéro le 1er janvier 2019. Un décret précise les modalités de conversion en euros des heures de formation acquises et non utilisées au 31 décembre 2018 au titre du CPF et de l'ancien droit individuel à la formation. Il est ainsi prévu que ces heures sont converties en somme d'argent à raison de 15 € par heure.
Ainsi, le salarié disposant d'un CPF crédité, au 31 décembre 2018, de 96 heures au titre du CPF et de 120 heures au titre du DIF bénéficie dès le 1er janvier 2019 d'un crédit de formation égal à 3 240 € [(96 h + 120 h) × 15 €)].
Guilhem POSSAMAI
Pour en savoir plus sur le compte personnel de formation : voir Mémento Social nos 38550 s.